Ajoute voitures incendiées à Paris et interpellations

PARIS (awp/afp) - Des milliers de "gilets jaunes" ont manifesté samedi en France pour leur acte 13, après presque trois mois de contestation, et les rassemblements ont à nouveau été marqués par des incidents dans la capitale, où un manifestant a eu une main arrachée devant l'Assemblée nationale.

Les manifestants étaient 12.100 en France à 14H00, dont 4.000 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, dont les chiffres sont contestés par les "gilets jaunes".

Dans la capitale, des incidents ont éclaté à l'arrivée du cortège devant l'Assemblée nationale, où un manifestant a eu une main arrachée. Selon la préfecture de police, il a eu "quatre doigts arrachés".

La cause de la blessure reste incertaine. Mais, selon un témoin interrogé par l'AFP, il s'agit d'une "grenade de désencerclement", lancée par les forces de l'ordre, alors que des manifestants tentaient d'enfoncer les palissades protégeant l'Assemblée.

Des incidents ont eu lieu sur le parcours de la manifestation, qui est arrivée vers 16H30 près de la Tour Eiffel, dans une ambiance très tendue. Du mobilier urbain et des distributeurs de banques ont été cassés, une dizaine de véhicules a été incendiée, principalement des voitures de luxe, mais aussi une voiture de la mission antiterroriste militaire Sentinelle. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a dénoncé sur Twitter des "attaques intolérables" et exprimé son "indignation et dégoût".

Mouvement fragmenté

À 18H45, la préfecture de police comptait 36 interpellations à Paris. Il y avait 16 personnes en garde à 17H00, selon le parquet de Paris.

À Toulouse comme à Bordeaux, des villes où la mobilisation a été très forte et marquée par des heurts plusieurs samedis d'affilée, des milliers de "gilets jaunes" ont manifesté. "En route pour un monde meilleur", clamait une banderole à Bordeaux, où les forces de l'ordre ont utilisé un canon à eau en fin de parcours.

À Lyon, ils étaient aussi plusieurs milliers dans les rues. Parmi eux, Bernard, un logisticien de 56 ans : "C'est bien beau le grand débat, mais nous, on veut du concret, moins de taxes, plus de pouvoir d'achat. On sera là tous les samedis de l'année s'il le faut".

À Dijon, autre place forte du mouvement, le cortège s'est élancé aux cris de "Macron démission". Emmanuel Macron "ne parle pas, il fait un monologue", a déclaré Nadine, 55 ans, qui ne croit pas au grand débat. "On a encore l'espoir que (les manifestations) ouvrent un peu les yeux" au président.

Au moins 2.000 personnes ont défilé à Lorient. Sur un gilet jaune était écrit : "produits alimentaires +8 à 10%, retraites et pensions -3,5%. On en a marre". "Macron démission, Castaner en prison", ont scandé des manifestants. Pour Eric, 40 ans, infographiste et maraîcher, "la revendication que je soutiens le plus, c'est le RIC (référendum d'initiative citoyenne). Il faut redonner le pouvoir de décider aux gens, comme en Suisse".

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, dont la proposition de loi "anticasseurs" a été adoptée par l'Assemblée au prix de sévères remous dans la majorité, a été particulièrement visé par les manifestants.

À Caen, 1.700 personnes ont manifesté, selon la préfecture. Ils étaient environ 1.500 à Montpellier et au moins 1.800 à Metz, entre 1.500 et 2000 à Lille.

Le mouvement des "gilets jaunes" apparaît toujours très fragmenté. D'un côté, certains souhaitent faire prospérer la colère sociale, quitte à remiser leur méfiance des syndicats, pour manifester avec la CGT : une première journée d'action a rassemblé 137.200 personnes en France mardi, selon l'Intérieur, plus que lors des dix derniers "actes" des "gilets jaunes".

De l'autre, beaucoup veulent éviter toute récupération politique, au moment où Rome multiplie les encouragements au mouvement, dans la perspective des élections européennes.

Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles et numéro deux du gouvernement italien, a semé la zizanie en rencontrant mardi Christophe Chalençon - une figure controversée qui a appelé à installer un ancien militaire au pouvoir - et d'autres membres d'une liste de "gilets jaunes" montée pour ces élections.

Une rencontre impromptue, organisée à l'insu de la tête de liste, Ingrid Levavasseur, et qui a provoqué une crise diplomatique entre l'Italie et La France.

Pour protester contre toute instrumentalisation, Maxime Nicolle, l'une des figures historiques des "gilets jaunes", s'est déplacé vendredi à la frontière italienne pour répéter que le mouvement "n'a pas de leader" et "est apolitique".

Le chef de l'État, très présent dans son grand débat, a vu sa cote de popularité remonter. Mais selon un sondage diffusé jeudi, 64% des Français continuent de "soutenir" le mouvement des "gilets jaunes".

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