Washington (awp/afp) - Les ministres de la Justice d'une quarantaine d'Etats américains, démocrates comme républicains, lancent officiellement lundi une vaste enquête sur la gestion des données personnelles des utilisateurs et sur les pratiques commerciales de grands groupes technologiques.

Cette investigation aura pour but de déterminer si ces entreprises "ont eu recours à des pratiques anti-concurrentielles pour étouffer la concurrence et restreindre l'accès (à leurs plateformes) et si elles ont affecté les consommateurs", a fait savoir vendredi, dans un communiqué, Ken Paxton, le procureur général du Texas, un républicain.

Google a confirmé faire partie des groupes visés par l'enquête, qui sera annoncée --tout un symbole--sur le perron de la Cour suprême des Etats-Unis, à Washington, à 18H00 GMT.

Le géant de la recherche en ligne est régulièrement accusé par ses détracteurs d'imposer des clauses restrictives dans les contrats passés avec des sites tiers --des détaillants en lignes ou des journaux--, empêchant ainsi ses concurrents de placer leurs publicités contextuelles sur ces sites.

Parallèlement à l'annonce de lundi, une coalition d'Etats américains a lancé vendredi dernier une procédure judiciaire pour enquêter sur le monopole et la domination de Facebook dans l'industrie des réseaux sociaux.

"Ce n'est pas une pratique courante pour les procureurs généraux de s'exprimer sur des enquêtes qui viennent d'être lancées. Mais les préoccupations sur le respect de la vie privée sont de plus en plus nombreuses", a déclaré lundi sur la chaîne de télévision CNBC Ashley Moody, la ministre de la Justice de Floride.

"Nous utiliserons tous les outils à notre disposition", a précisé Mme Moody, dont l'Etat est engagé dans la procédure visant Facebook aux côtés de New York, du Colorado, de l'Iowa, du Nebraska, de la Caroline du Nord, de l'Ohio, du Tennessee et de la capitale fédérale, Washington.

Fin juillet, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg a été condamné à une amende record de 5 milliards de dollars par la FTC, l'autorité américaine de régulation des communications, pour ne pas avoir su protéger les données personnelles de ses utilisateurs.

Le premier réseau social mondial a toujours rejeté les accusations de monopole, arguant que les consommateurs ont beaucoup de choix sur la façon d'interagir en ligne.

Enquête fédérale

Au niveau fédéral, une vaste enquête sur d'éventuelles pratiques anti-concurrentielles des géants de la Silicon Valley a été lancée fin juillet par le ministère de la Justice américain.

Google a indiqué vendredi dernier avoir été sommé de fournir des documents sur des enquêtes passées, dans le cadre de cette investigation, assurant "travailler de manière constructive avec les régulateurs", tout en rappelant que l'entreprise était "l'un des plus grands investisseurs dans la recherche et le développement, qui stimulent l'innovation."

Depuis l'éclatement du scandale Cambridge Analytica en mars 2018, Google et Facebook sont soumis à une attention toute particulière, notamment de la part des gouvernements, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, concernant l'usage des données personnelles.

Amazon et Apple pourraient se retrouver également dans la ligne de mire des Etats. Leurs détracteurs font valoir qu'Amazon occupe une place dominante dans le commerce en ligne, tandis qu'Apple désavantagerait ses rivaux qui proposent leurs services sur l'App Store.

Il est pour l'instant difficile de savoir si les enquêtes des Etats vont être coordonnées avec celle du gouvernement, même si Mme Moody a assuré lundi qu'il était "inutile de faire doublon" avec l'échelon fédéral.

Selon Christopher Sagers, professeur de droit à l'université Cleveland-Marshall, les efforts des procureurs généraux ont toutefois plus de chance d'aboutir que ceux de Washington.

"Je suis assez sceptique à l'idée que le gouvernement prenne de vraies mesures contre les plateformes de la tech (...) Il est hautement improbable qu'un Congrès divisé et le Président parviennent à un consensus pour adopter un texte de loi sur les atteintes à la concurrence provoquées par les monopoles dans la tech", a estimé l'expert.

"Les Etats paraissent plus sérieux. Il semble particulièrement significatif que cette nouvelle coalition soit bipartisane. Il paraît aussi significatif que plusieurs Etats de cette coalition aient des départements antitrust qui sont relativement grands et bien financés", a ajouté M. Sagers.

afp/rp