Davos (awp/afp) - Taxer davantage les riches et mieux les géants de la tech, comme l'ont demandé lundi Oxfam et Attac. Pourquoi pas, mais à nos conditions, répond mardi l'élite de l'économie et de la finance mondiale réunie à Davos.

La vice-présidente de Google, Ruth Porat, a été la première à s'exprimer sur le sujet mardi au Forum économique mondial, au lendemain de l'appel de l'ONG Oxfam à taxer plus fortement les grandes fortunes.

Interrogée sur la taxation des géants du numérique, les Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), elle a apporté un franc soutien à l'Organisation pour la Cooperation et le développement économiques (OCDE) qui s'efforce depuis plusieurs années de trouver un compromis mondial.

"En ce qui concerne les questions de taxation, nous sommes très francs suisses: nous soutenons l'initiative de l'OCDE", a-t-elle expliqué lors d'une table ronde, dans le cadre du rendez-vous annuel dans les Alpes suisses de l'élite économique et politique mondiale.

Mais soutenir l'approche multilatérale de l'OCDE, c'est rejeter implicitement les mesures unilatérales annoncées par des pays comme la France, le Royaume-Uni et l'Espagne.

Autant d'Etats à bout de patience face aux lenteurs non seulement à l'OCDE, mais aussi au sein de l'Union européenne. Les Européens ne parviennent pas à accoucher d'une position commune sur la taxation des gigantesques profits du numérique, dont une bonne part échappe à une fiscalité des bénéfices conçue à l'origine pour l'industrie lourde.

Pour Mme Porat, l'accord mondial répondrait aux exigences de ceux qui dénoncent les pratiques d'optimisation fiscale.

"Ayons une approche durable avec une taxation au sein des pays de l'OCDE. Nous serions complètement d'accord", a-t-elle expliqué, sans la moindre allusion aux difficultés que rencontrent les Etats-Unis et les pays européens pour se mettre d'accord au sein de cette institution.

L'ONG Attac a également profité de la réunion de Davos pour demander que les plus riches soient mieux taxés. La revendication revient souvent dans le mouvement des gilets jaunes en France et même aux Etats-Unis où la jeune élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a créé la polémique au début du mois, en proposant de taxer à 70% les plus riches.

Un monde stable

"Nous devrions commencer par faire payer à tout le monde une part équitable", a affirmé à l'AFP Raghuram G. Rajan, professeur à l'Université de Chicago et ancien gouverneur de la Banque centrale indienne, écartant implicitement une augmentation d'impôts sur les plus grandes fortunes.

"Le problème est que nous n'avons pas une taxation juste, notamment pour les multinationales qui peuvent déplacer leurs opérations pour éviter les impôts", a-t-il souligné. "Commençons par récolter les impôts qui ne sont pas perçus".

"Augmenter les taxes pour les plus riches? Selon moi, l'éducation est une meilleure option", afin de permettre aux travailleurs les moins qualifiés, laissés pour compte de la mondialisation, de se reconvertir, a répondu à l'AFP Nariman Behravesh, chef économiste de la société IHS Markit, habitué du Forum.

"Les héritiers devraient être taxés. Mais veut-on décourager ceux qui ont créé leur propre entreprise comme Jeff Bezos?", le patron et fondateur d'Amazon qui est devenu l'homme le plus riche du monde. "C'est compliqué", a-t-il estimé.

Pour Kenneth Rogoff, professeur d'économie à Harvard, il est pourtant urgent d'apporter une réponse à ces questions fiscales qui alimentent le mécontentement un peu partout dans le monde.

"Si la distribution des revenus par les marchés continue d'être inéquitable, il est difficile de voir comment nous pourrions avoir un monde stable", a-t-il expliqué à l'AFP.

Selon les chiffres d'Oxfam, dont la méthodologie est contestée par certains économistes, 26 personnes disposent désormais d'autant d'argent que les 3,8 milliards les plus pauvres de la planète. En 2017, ils étaient au nombre de 43.

Trois d'entre eux figurent sur la liste des quelque 3.000 participants à Davos cette année: l'Américain Bill Gates, l'industriel indien Mukesh Ambani et le fondateur du géant chinois Alibaba, Jack Ma.

afp/al