Facebook vs Snapchat
 
 
Les deux places de marché avaient courtisé la jeune entreprise avec une bannière de la marque sur son parvis pour le premier, et le second avait filmé et partagé une vidéo de New York, prise d’un hélicoptère avec les lunettes-caméra de Snapchat. Bien que ce genre d’évènement soit normalement réservé au premier jour de trading d’une société, il s’agirait dans ce cas de la plus grosse introduction en bourse depuis Facebook en 2012. Les retombées médiatiques pour la place boursière sont donc importantes, d’autant plus que le NASDAQ, qui comptait 84% des IPO technologiques en 2012, est depuis tombé à 11% après la mauvaise introduction de Facebook.

L’introduction de Snapchat, prévue pour mars prochain, ne sera pas sans tumulte vis-à-vis de son objectif et de ses résultats financiers. En comparant les résultats de Snapchat avec ceux de Facebook lors de son introduction, on s’aperçoit que la santé financière de celle-ci était pérenne contrairement à la jeune startup. Facebook avait un peu plus de 4 milliards de dollars de revenus pour un profit de 974 millions de dollars. Snapchat, quant à elle, a 404 millions de dollars de revenus avec une perte nette de 515 millions de dollars. En termes d’utilisateurs, Facebook en avait 526 millions alors que Snapchat n’en a que 161 millions. Malgré des résultats positifs, les investisseurs avaient à l’époque lynché l’action à son introduction.

 
Graphique historique action Facebook
 
 
Les bonnes performances de la société par la suite ont su séduire et réconforter les investisseurs quant au fait que les services et plateformes (majoritairement dépendantes de la publicité) tels que Facebook peuvent être rentables. Les temps ont donc changé et les investisseurs pourraient avoir moins de mal à croire au potentiel de Snapchat, malgré ses résultats 2016.

Autre point d’ombre, cependant, pour Snapchat, la compétition accrue de Facebook qui a intégré des fonctionnalités identiques dans la plupart de ses applications (Instagram, Messenger et WhatsApp). En 2013, la jeune startup avait déjà attiré l’attention de Mark Zuckerberg, qui avait proposé à Evan Spiegel, co-fondateur et CEO de Snapchat, de racheter l’entreprise pour 3 milliards de dollars. Ce dernier avait décliné l'offre, persuadé que son application en valait beaucloup plus.

L’équipe directionnelle de Facebook était bien consciente de la différence des fonctionnalités principales de la startup et était déterminée à ne pas se laisser distancer. Ils ont tout d’abord créé des copies de Snapchat comme Poke et Slingshot, sans succès. Puis en 2015, alors que Facebook avait du mal à faire en sorte que ses utilisateurs publient du contenu plus fréquemment, Zuckerberg a voulu savoir si cette baisse provenait de son concurrent, et a donc analysé leurs différents services. Ils se sont aperçus qu’il fallait environ deux fois plus d’actions pour poster sur Facebook. Dès l’ouverture de Snapchat, l’appareil photo est accessible, permet d’envoyer des images et messages qui disparaissent, ce qui crée un endroit sûr et informel, loin de la chasse aux j’aime, commentaires et popularité de Facebook et Instagram. Le problème d’audience (où les utilisateurs restent longtemps sur la plateforme mais ne publient pas de contenu) a poussé le réseau social à trouver des solutions pour y remédier. Facebook a donc lancé et testé différentes fonctionnalités, telles que la création de « stories » au sein d’Instagram, qui permet de publier des photos et vidéos qui disparaissent après 24h, étrangement similaires aux « stories » de Snapchat.

 


 
Cette dernière fonctionnalité est celle qui fait de l’ombre à la jeune startup, puisqu’elle est disponible mondialement et utilisée par 150 millions d’utilisateurs par jour, juste en dessous des 161 millions de Snapchat, après seulement 6 mois d’existence. A en croire les chiffres (+5% d’utilisateurs sur le dernier quart d’année, comparé à +11% un an plus tôt), la startup arrive à maturité dans ses principaux marchés. Snapchat pourrait désormais avoir plus de difficultés à convertir de nouveaux utilisateurs et va devoir mettre en lumière ce qui fait sa véritable valeur ajoutée.

Le potentiel de monétisation de son application et de ses utilisateurs, a contrario, laisse entrevoir de grandes possibilités de revenus. En effet, les annonceurs investissent aujourd’hui massivement dans les publicités Facebook, et maintenant Instagram : la société a reçu 20 dollars par utilisateur en Amérique du nord en 2016. En comparaison, Snapchat ne reçoit aujourd’hui qu’un dollar par utilisateur en Amérique du nord. Les marges de manœuvre sont multiples afin d’améliorer ses revenus, d’autant plus que les annonceurs cherchent toujours de nouveaux moyens d’atteindre leur cibles. La cible de Snapchat, majoritairement les moins de 35 ans, sont les personnes les plus dures à atteindre actuellement car cela ne peut plus être fait via les médias traditionnels. Une aubaine pour la société.

De plus, en quête de nouveaux horizons et revenus, Spiegel a renommé la société Snap, Inc. au printemps dernier, annonçant la transformation de Snapchat de simple application en une entreprise d’appareils photo/vidéo. La société a ensuite sorti des lunettes pouvant prendre des photos et vidéos, démontrant le souhait de l’entreprise de fournir à sa communauté de nouvelles façons de partager du contenu. En juillet dernier, quelques mois seulement après avoir sorti la fonctionnalité des vidéos en direct, Zuckerberg annonçait que Facebook se transformait en une entreprise de « vidéos », sous-entendant que le contenu vidéo serait dorénavant prépondérant sur la plateforme. En novembre dernier, il déclarait aux analystes : « Nous pensons que les appareils photos/vidéos vont devenir le moyen principal de partager du contenu ». 

Snapchat et Facebook semblent donc prendre la même direction aujourd’hui, et seront sans nul doute deux des principaux acteurs à forger notre façon de partager du contenu dans les années à venir. L’introduction en bourse de Snap, Inc., prévue courant mars, sera une étape clé pour l’entreprise si elle espère faire de l’ombre au géant qu’est Facebook, et participer massivement à la création des outils de production de contenus de demain et leurs plateformes.