Figeac Aéro est devenu en 2018 le 1er sous-traitant aéronautique européen. Son fondateur, qui l’a créée en 1989 avec très peu de moyens, ne compte pas en rester là. Même si la stratégie a été infléchie il y a deux ans pour privilégier la génération de trésorerie, la croissance reste dans l’ADN de Figeac et les perspectives de développement immenses. Entretien avec son PDG, Jean-Claude Maillard.

Jean-Claude Maillard, votre objectif n°1 pour l’exercice clos à fin mars est d’atteindre des flux de trésorerie disponibles positifs. L'atteindrez-vous ? Pourquoi cette inflexion stratégique alors que Figeac a, depuis sa création, privilégié la croissance ?
De 1989 à 2016, nous avons effectivement privilégié la croissance, en réinvestissant tous nos bénéfices et en recourant à l’endettement. Mais depuis 2016, après avoir réalisé trois augmentations de capital à la suite de notre IPO, le flottant est monté à 25% et j’ai réalisé que je devais, pour maîtriser totalement l’avenir de mon groupe, générer durablement des flux de trésorerie disponibles positifs. Le pari sera atteint dès cette année. La croissance forte, proche de 20%, restera notre marque de fabrique, ainsi que notre marge d’EBITDA autour de 20%. Mais la priorité est aujourd’hui la génération de cash, avant de repartir vers une croissance plus volontariste.
 
Comment comptez-vous maintenir une telle croissance alors que le marché aéronautique n’a cessé de croître depuis bientôt 10 ans ?
La croissance de l’industrie aéronautique sur le moyen-long terme n’est absolument pas menacée. La croissance de la population aisée est suffisamment forte pour soutenir celle du trafic aérien, attendue à 4-5% par an. Cela n’empêche pas de traverser des phases de crises tous les dix ans, avant de repartir durablement. En Europe, l’absence de nouveau programme invite peut-être à la prudence sur le cycle, mais les nouveaux projets sont nombreux ailleurs dans le monde. Nous sommes encore tout-petits sur un marché mondial de la sous-traitance estimé à 30 milliards d’euros et qui croît plus vite que le trafic aérien. Notre terrain de jeu est donc mondial, d’où la multiplication de nos initiatives en Amérique, en Chine et au Moyen-Orient. Nous avons par exemple créé cette année une JV en Chine. Nous comptons en créer d’autres dans lesquelles nous serons majoritaires.
 

Attache de voilure pour Airbus A350 par Figeac Aero
 
Comment faites-vous pour croître aussi vite, aussi longtemps, sans traverser de crise de croissance ?
Dès notre création, nous avons appris à croître avec très peu de moyens financiers et très peu de savoir-faire. Or, depuis que nous sommes cotés en Bourse, nous avons davantage de moyens et de savoir-faire, donc cette croissance, qui constitue notre ADN, n’a pas de raison de s’arrêter. Elle va juste ralentir un peu dans les prochaines années car nous limiterons nos investissements à un peu plus de 60 M€ par an. Cette enveloppe d’investissements sera répartie de façon équilibrée entre la France, les pays low-cost et les deux gros marchés qui tireront la croissance de demain, à savoir les Etats-Unis et la Chine.
 
Vos dernières publications témoignent de votre étonnement, voire votre indignation, quant à la valorisation de Figeac en Bourse. Que constatez-vous, et comment y réagissez-vous ?
Notre cours de Bourse actuel nous valorise comme une entreprise sans croissance, dégageant 10% d’EBITDA et des flux de trésorerie nuls, alors que nous dégageons une croissance autour de 20%, avec 20% d’EBITDA et des free cash-flow positifs ! Les analystes financiers sont d’ailleurs en phase avec ce constat. Notre cours a été près de deux fois plus élevé dans le passé … La baisse des small et mid caps y est pour quelque chose, notre communication aussi. Je suis certain que cette situation va évoluer dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, car nous ne sommes pas à notre place actuellement. C’est donc logiquement que nous venons de lancer un programme de rachat d’actions Figeac, profitant des aléas de marché actuels.
 
Portrait de Jean-Claude Maillard, président fondateur de Figeac Aéro
 
Ingénieur mécanique de formation, c’est il y a trente ans que Jean-Claude Maillard a pris son indépendance et fondé son affaire, devenue en 2018 numéro 1 européen de la sous-traitance aéronautique avec plus de 425 M€ de CA annuel. Lancé avec ses économies, seulement 120 000 francs à l’époque, "sans écouter personne", suivant son instinct. Ensuite, en "s’entourant de beaucoup de talents", il n’a cessé de faire grandir, à coups d’investissements dans des capacités de production des plus compétitives, un groupe qu’il contrôle encore à 75% avec sa famille. Indépendance, liberté, et franc-parler caractérisent ce dirigeant qui n’a pas fini de pousser les murs de son entreprise !
(L'auteur est actionnaire de la société Figeac Aero à titre personnel)