C'est Air France KLM qui occupe la queue du peloton avec un titre qui a perdu quasiment 50% de sa valeur depuis le 1er janvier. L'année a commencé par des prises de bénéfices, consécutives à une performance boursière majuscule en 2017. Elle a vite tourné au vinaigre avec la multiplication des mouvements sociaux, qui ont atteint leur apogée lorsque le PDG Jean-Marc Janaillac a cru bon de mettre son poste dans la balance lors d'une consultation censée lui fournir le soutien d'une majorité de salariés pour faire plier les pilotes. Mauvais calcul. Patatras, toute la stratégie s'est effondrée et le patron a dû démissionner. Les financiers craignent que le groupe ne perde pied et que ses efforts récents ne soient anéantis, dans un secteur ultra-concurrentiel.
 

L'indice et ses deux extrêmes

Technicolor est au coude-à-coude avec le transporteur pour la cuiller de bois du premier semestre. La société ne pèse plus que 700 millions d'euros en bourse après avoir coulé de 47% environ depuis le 1er janvier. Après la lourde recapitalisation de l'entreprise il y a quelques années, qui faisait suite à quelques exercices de disette, le management semblait avoir fait le plus dur en recentrant l'activité et en réduisant les coûts. Mais la montée en puissance des nouveaux marchés est plus longue que prévu et Technicolor a pris la mauvaise habitude de revoir en baisse ses ambitions à chaque publication. Pour ne rien arranger, les investisseurs attendaient plus de la monétisation des droits intellectuels et industriels de l'entreprise.

Iliad est monté sur le podium la semaine dernière, après un gros trou d'air boursier, consécutif à la publication des comptes du premier trimestre 2018. Après des années relativement tranquilles, passées à tailler des croupières à ses concurrents, la filiale Free arrive sur un plateau et peine à redynamiser ses abonnements. Une situation qui s'explique aussi par l'agressivité de ses rivaux dans leurs offres fixes et mobiles et sans doute aussi par leurs investissements. SFR (surtout sur la période récente), Bouygues et Orange ont mis l'accent sur la qualité de leurs réseaux et force est de constater que cela paie à l'heure où les consommations de données explosent. Iliad a deux grosses échéances à ne pas manquer cette année : son lancement en Italie et la sortie d'une nouvelle box à la rentrée. Résultat des courses, un titre qui perd plus d'un tiers de sa valeur depuis le début de l'année.

Pour terminer, généralisons un peu. Lors des deux dernières vagues de publications occidentales, beaucoup de professionnels ont noté que les actions des sociétés qui ont dépassé les attentes se sont bien comportées, mais ont peiné à accélérer en bourse. A l'inverse, les entreprises qui ont manqué leurs objectifs ou révisé en baisse leurs anticipations ont été sanctionnées au-delà de ce qui était constaté historiquement. Ce mouvement est illustré en France par plusieurs dossiers. Tarkett (-27% depuis le 1er janvier), dont les performances trimestrielles étaient très éloignées des attentes, mais aussi Nexans (-22%) ou Spie (-21%).

Pour Sodexo (-25%) et Casino (-23%), le marché a retenu les chiffres médiocres mais émet aussi des doutes sur les modèles. Les investisseurs sentent bien que les métiers de la restauration et de la distribution sont en train de changer (le second sans doute davantage que le premier) et qu'il est compliqué pour des poids lourds de réagir avec célérité. Ce sentiment est exacerbé par le décalage des forces en présence. Amazon, qui lorgne le développement d'un modèle global disposant de relais de distribution physique, pèse près de 770 milliards de dollars en bourse et devrait disposer de près de 26 milliards de dollars de trésorerie l'année prochaine. En poussant le bouchon un peu loin, cela signifie que l'Américain pourrait racheter un Carrefour (pesant l'équivalent de 15 milliards de dollars) ET un Casino (environ 5,3 milliards de dollars) en offrant 28% de primes aux actionnaires avec son seul tiroir-caisse. Le choc entre la nouvelle économie et l'ancienne fait des dégâts.

Chez Ingenico (-21%), la contreperformance tient en partie à des résultats beaucoup plus convenus que par le passé, mais aussi au débat qui fait rage sur les perspectives du secteur du paiement, à l'heure où l'on peut régler ses achats avec un smartphone. Le management de l'ancien leader des terminaux de paiements a beau marteler que l'entreprise est devenue un fournisseur de technologies plus qu'un fabricant de terminaux "hardware", le doute s'est emparé des investisseurs.

Voilà pour les principales baisses de l'année 2018. On compte un peu plus de hausses de plus de 20%, 14 précisément.

Le seul véritable groupe minier français d'envergure, Eramet, a repris plus de 60% cette année, profitant de la croissance mondiale, de l'évolution des cours des métaux, des progrès accomplis dans la modernisation de l'outil industriel et du retour du dividende, qui renforce la confiance. L'exercice 2017 s'est même soldé par un bénéfice, une première depuis 2012. La volatilité devrait rester forte sur le dossier.

Sartorius Stedim biotech prend la seconde place du palmarès grâce à près de 40% de gains. Il s'agit plus d'un réajustement qu'autre chose pour l'entreprise provençale, victime de grosses prises de bénéfices à l'automne dernier après un parcours haussier inégalé sur les années précédentes. Un mouvement haussier qui s'est réenclenché puisque l'action a repris sa marche en avant en enchaînant les records. Le dossier pèse désormais 7,8 milliards d'euros en bourse. C'est bien plus qu'un Casino, comme nous l'avons évoqué précédemment, mais davantage aussi qu'un groupe comme Suez. Le secteur de la santé français, qui a longtemps reposé sur le seul porte-étendard Sanofi, s'appuie enfin sur de nouveaux noms. Outre Sartorius Stedim Biotech, on retrouve Ipsen et ses 34% de gains depuis le début de l'année. Le laboratoire qui monte a plusieurs fers au feu. Ses derniers partenariats sont jugés pertinents par les analystes et son assise financière lui permet de tenter des paris que des acteurs plus petits ne peuvent s'autoriser.

Evoquer les performances du début d'année sans parler de luxe est impossible. Le luxe français a clairement le vent en poupe, puisque les autres entreprises du secteur son incapables de suivre le rythme effréné imposé par le trio LVMH (+26%), Kering (+22%) et Hermès (+33%), ni au niveau de la croissance des résultats, ni boursièrement. Les trois sociétés figurent désormais dans le Top 8 des capitalisations françaises, puisque Kering et Hermès ont dépassé Axa récemment. LVMH continue à briller en dominant le classement des capitalisations hexagonales et en imprimant le tempo sectoriel

Il faut aussi saluer la "tech" française qui fonctionne. A force de saliver devant les géants américains, on en oublierait presque les pépites françaises. C'est le cas d'Ubisoft (+31% depuis le 1er janvier) ou de Soitec (+30%). On est loin du poids d'un Facebook ou d'un Apple, mais on tient là deux leaders sectoriels. Même chose pour Dassault Systèmes (+25%) ou Worldline (+23%). Le groupe spécialisé dans les logiciels de conception par ordinateur a confirmé récemment que sa stratégie de renforcement par briques, que le marché a mis du temps à intégrer, fonctionne. Quant à la filiale d'Atos, elle fait en sorte de devenir un leader dans un secteur des services de paiements encore très fragmenté. Sa maison-mère semble déterminée à lui donner les moyens de réussir à fédérer pour devenir incontournable.

Enfin, les autres hausses de plus de 20% enregistrées en 2018 concernent des secteurs plus traditionnels. On note un beau décollage pour l'action Dassault Aviation (+29%), dans un contexte favorable pour les industries de défense et un frémissement du côté de l'aviation d'affaires. Thales (+23%) profite du même engouement et de son exposition aux thématiques de la cybercriminalité, largement mise en avant par le management sur la période récente. Peugeot (+22%) reprend le terrain perdu à l'automne dernier, lorsque des interrogations avaient commencé à se multiplier sur le rythme de redressement d'Opel. Enfin, Alten (+22%) représente dignement le secteur du conseil, avec une belle remontée après une fin 2017 compliquée, sur fond de doutes du marché sur les perspectives de certains marchés clefs de la société, automobile en tête. Le dossier offre toujours de belles perspectives