Le communiqué de presse publié par Getlink (ex-Eurotunnel, nous utiliserons indifféremment les deux noms, par archaïsme assumé) mardi après le rejet du plan May pour le Brexit n'augurait rien de bon. Dans sa prose, le groupe exhortait les politiques à préciser rapidement les accords douaniers à déployer pour assurer la continuité du commerce entre l'île et le continent. L'occasion pour l'opérateur de rappeler que "26% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne passent par le Tunnel". Il va sans dire que le flou artistique qui règne depuis le référendum du mois de juin 2016 est un sacré handicap pour Eurotunnel en bourse.
 
Eh bien pas du tout ! L'idée de réaliser un état des lieux du comportement de l'action Getlink nous est venue après avoir jeté un coup d'œil à la série haussière de la semaine. Le titre n'a pas cillé aux remous londoniens ces derniers jours, ce qui est assez étonnant quand on sait que l'entreprise est 100% tributaire des relations entre Royaume-Uni et continent. Même en reculant le curseur sur deux ans, il s'en tire bien mieux que le STOXX Europe 600 et même que le S&P500 (voir graphique ci-dessous). L'action a beau avoir bénéficié sur la période de l'entrée dans son capital d'Atlantia puis d'Eiffage, sa tenue est remarquable.
 
La force tranquille
 
Comment expliquer cette situation paradoxale ? Pour le bureau d'études AlphaValue, Getlink est le "proxy" d'un Brexit doux, c’est-à-dire une sorte de thermomètre du cadre final du divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Le rejet du projet May signifie que le Parlement a repris les commandes, ce qui implique à la fois un dérapage du calendrier mais aussi une moindre probabilité de Brexit dur. Cela n'empêche pas la persistance de nombreuses inconnues. Mais à vrai dire, AlphaValue va encore plus loin en estimant que le dossier, malgré son ultra-dépendance aux relations transmanche, aurait de solides arguments à faire valoir en cas de Brexit dur.
 
Dans un premier temps bien sûr, les embouteillages promis à la frontière plomberont le trafic. Toutefois, estime le bureau d'études, Eurotunnel est un monopole et dispose à ce titre d'un fort pouvoir sur les prix, qui pourrait servir de matelas de sécurité aux résultats. Chaque année, 138 milliards d'euros de biens transitent par le tunnel, qui a acquis une importance vitale, notamment pour les produits à valeur ajoutée comme le frais ou les médicaments et plus généralement les produits nécessitant des flux tendus. "Eurotunnel est un système de transport ultra-moderne qui a changé la face du commerce UK-UE", juge AlphaValue, selon le bon vieux principe "time is money". Le parcours passé ne présume pas du parcours futur et n'empêchera sans doute pas de nouveaux soubresauts, mais, contre-intuitivement, Eurotunnel semble être "Brexit-proof".