(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Les chiffres économiques catastrophiques se succèdent

* Le prix du baril de brut léger américain passe en négatif

* D'autres accidents du même ordre ne sont pas à exclure

* Le point bas n'est sans doute pas atteint sur les actions

* La BoJ, la Fed et la BCE à l'agenda d'une semaine chargée

par Patrick Vignal

PARIS, 27 avril (Reuters) - Le plongeon du pétrole brut léger américain en territoire négatif, des indices d'activité du secteur privé de la zone euro en chute libre et la poursuite de l'explosion du chômage aux Etats-Unis viennent de confirmer le caractère sans précédent de la crise du coronavirus. Et les mauvaises nouvelles des derniers jours ont ramené de la volatilité sur les marchés financiers, qui ont intégré l'imminence d'une profonde récession de l'économie mondiale mais réalisent qu'ils avaient sans doute surestimé l'ampleur et la rapidité du rebond à venir.

"Les très mauvaises surprises et les phénomènes anormaux peuvent se reproduire", prévient Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank.

"Les marchés en général, en particulier les marchés d'actions, restent beaucoup trop optimistes et n'ont pas encore compris l'ampleur de la crise", dit-il à Reuters.

"Il y a assez peu de réactions aux différents chiffres économiques qui nous montrent que la crise est non seulement grave mais surtout beaucoup plus grave que ce que tout le monde avait anticipé."

Même les investisseurs les plus chevronnés ont écarquillé les yeux lorsqu'ils ont vu le contrat à échéance en mai sur le baril de brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) tomber à -40 dollars, un mouvement inédit alimenté par des perspectives économiques déprimées et par la quasi-saturation des capacités de stockage aux Etats-Unis.

L'ÉCONOMIE MONDIALE AU BORD DE LA PARALYSIE

S'il s'explique en partie par des facteurs techniques, cet accident est aussi l'une des nombreuses conséquences de la quasi-paralysie de l'économie mondiale.

Dans la zone euro, l'indice des directeurs d'achats (PMI) composite s'est effondré à 13,5 en première estimation en avril, ce qui constitue, et de très loin, le pire résultat des enquêtes mensuelles de l'institut IHS Markit, lancées en 1998.

"Le mois d'avril a été marqué par des dégâts sans précédent pour l'économie de la zone euro sous l'effet des mesures de confinement, de l'effondrement de la demande mondiale et de pénurie au niveau des effectifs comme de la production", a commenté Chris Williamson, économiste d'IHS Markit.

"La violence a dépassé tout ce que pouvait imaginer la plupart des économistes".

Le phénomène est mondial puisqu'aux Etats-Unis, devenus l'épicentre de l'épidémie, plus de 26 millions de personnes se sont inscrites au chômage ces cinq dernières semaines. Sans précédent lui aussi, ce nombre confirme que la première économie mondiale a supprimé en à peine plus d'un mois la totalité des postes créés en près de dix ans.

Dans ce contexte, les premières estimations de l'évolution au premier trimestre du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis, mercredi, et de la zone euro, le lendemain, seront suivies avec la plus grande attention sur les marchés.

Ces chiffres seront très mauvais, c'est certain, et ceux du deuxième trimestre le seront sans doute encore davantage.

L'économie mondiale devrait se contracter de 2% cette année, selon plus de 500 économistes interrogés par Reuters, à comparer à un repli de 1,2% attendu il y a seulement trois semaines.

"LE PIRE EST DEVANT NOUS EN BOURSE"

La situation ne cesse de se dégrader également pour les résultats des entreprises qui, l'une après l'autre, renoncent à verser un dividende à leurs actionnaires et abaissent leurs prévisions annuelles quand elles ne les retirent pas faute de visibilité.

Un article du Financial Times sur l'échec d'un essai clinique d'un candidat vaccin contre le Covid-19 est venu noircir encore vendredi un tableau d'ensemble déjà bien sombre.

Si Gilead Sciences, le laboratoire américain à l'origine de l'essai, a contesté ces informations, celles-ci ont rappelé aux marchés que la fin de la pandémie était encore loin malgré les débats en cours sur la levée progressive des mesures de confinement.

Les indices boursiers, dont la résilience a de quoi surprendre, notamment celle du Nasdaq, risquent d'avoir du mal à résister à une telle accumulation de mauvaises nouvelles.

"Sur les marchés actions, le point bas n'est certainement pas atteint", estime Christopher Dembik. "Il va falloir sans doute encore réviser à la baisse les prévisions économiques et les résultats des entreprises vont être exécrables. Le pire est devant nous en Bourse."

Les marchés savent au moins qu'ils peuvent compter sur les banques centrales, qui rivalisent de créativité depuis le début de la crise et s'apprêtent à revenir sur le devant de la scène avec les annonces monétaires successives de la Banque du Japon (mardi), de la Réserve fédérale (mercredi) et de la Banque centrale européenne (jeudi).

Si elle se prépare sans doute à augmenter encore le montant de ses rachats d'actifs, la BCE ne devrait pas l'annoncer dès jeudi, selon Christopher Dembik, qui ne s'attend pas non plus à des annonces spectaculaires de la part de la Fed.

L'institution de Francfort, qui suit de près les tensions sur la dette souveraine des pays la périphérie de la zone euro et sur le marché interbancaire, attendra sans doute avant d'agir deux échéances qui se profilent, argumente-t-il: les contours du plan de relance de l'Union européenne devraient en effet se préciser le 6 mai et Moody's doit se prononcer deux jours plus tard sur la note souveraine de l'Italie.

(édité par Marc Angrand)