* Bras de fer autour des privatisations, notamment d'ADP

* Un texte dense de près de 200 articles

* Des évolutions visant à simplifier la vie des entreprises (Actualisé avec précisions sur le calendrier des privatisations et déclarations de Martin Vial, § 14-17)

PARIS, 11 avril (Reuters) - Le Parlement français a définitivement adopté jeudi le projet de loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui intègre les dispositions contestées sur la privatisation d'ADP (ex-Aéroports de Paris), contre lesquelles un référendum d'initiative partagée a été engagé.

L'Assemblée nationale, qui dispose constitutionnellement du dernier mot en matière législative, a adopté ce texte par 147 voix contre 50 (les groupes de gauche et Les Républicains).

Le chef de file du groupe La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, fervent détracteur du texte, a "par erreur" voté en faveur de son adoption en raison d'une "erreur technique" selon son entourage.

Ce projet de loi, porté par le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire et dont la genèse remonte à l'automne 2017, avait été rejeté mardi par le Sénat, à majorité de droite.

Les dispositions les plus emblématiques et les plus contestées de ce texte mettent sur les rails un vaste programme de cession d'actifs en ouvrant la voie aux privatisations d'ADP et de la Française des Jeux (FDJ) et à la diminution de la participation de l'Etat dans Engie.

Principale pomme de discorde, le projet de privatisation d'ADP - dont l'Etat détient 50,6% à l'heure actuelle - qui doit prendre la forme d'une concession limitée à 70 ans, a cristallisé les critiques.

LE RIP "FAIT LE JEU DES POPULISMES", POUR LE MAIRE

Près de 250 députés et sénateurs issus des rangs de l'opposition de droite comme de gauche ont déposé mercredi une proposition de loi visant à organiser un référendum d'initiative partagée (RIP) au sujet de ce projet.

Pour aboutir à une telle consultation, cette proposition devra cependant être validée par le Conseil constitutionnel et réunir la signature de plus de 4,5 millions de Français.

Bruno Le Maire a vivement dénoncé dans l'hémicycle cette initiative qui selon lui vient "faire le jeu des populismes et alimenter la contestation de la démocratie parlementaire".

"Tous ceux qui se réunissent dans un attelage de circonstance pour proposer un référendum d'initiative partagée, alors que le texte n'est même pas encore voté, font le jeu des populismes et affaiblissent la démocratie représentative", a-t-il déclaré.

Se déclarant toujours "profondément convaincu de la nécessité économique et stratégique de la privatisation d'Aéroports de Paris", il a précisé que "toutes les options restent sur la table" concernant la forme de cette opération.

Ces cessions sont défendues par l'exécutif au nom d'un Etat "stratège" plutôt que "rentier", et permettront d'alimenter un fonds pour l'innovation de rupture, doté de dix milliards d'euros.

Concernant le calendrier de ces opérations, le ministre avait assuré la semaine dernière lors d'un entretien accordé à Reuters que le gouvernement comptait respecter son calendrier pour les cessions d'actifs, initialement prévues au printemps 2019 dans le sillage de l'adoption du projet de loi "Pacte".

"Le calendrier reste le même", avait déclaré le ministre en rappelant que les conditions de marché seraient "décisives" pour mener ces opérations.

Le commissaire aux participations de l'Etat, Martin Vial, a déclaré jeudi sur Franceinfo que sur ADP, le gouvernement "prendra(it) sans doute une décision dans le courant ou d'ici l'été", une fois que le Conseil constitutionnel aura tranché sur la demande de RIP.

En ce qui concerne la FDJ, "nous souhaitons mener cette opération assez rapidement (...) le plut tôt possible en fonction des conditions de marché", a précisé Martin Vial.

FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES

Au-delà des cessions d'actifs, ce texte touffu comptant près de 200 articles comporte également des mesures renforçant le contrôle des investissements étrangers et la protection des entreprises jugées stratégiques, ainsi que différentes mesures visant à favoriser la croissance des entreprises tout en associant davantage les salariés à leurs résultats.

Les dispositions prévues ont pour objectif de lever les freins au développement des entreprises par des simplifications: guichets uniques pour la création d'entreprise ou l'export, allègements des seuils pour les obligations comptables, simplification des seuils sociaux et fiscaux, facilitation du rebond après un échec, entre autres.

Des réformes de l'assurance-vie et de l'épargne retraite sont programmées pour mieux orienter l'épargne vers le financement des entreprises en fonds propres.

Le texte vise aussi à redéfinir la place de l'entreprise dans la société, avec une modification du Code civil consacrant la notion jurisprudentielle d'intérêt social ou encore un renforcement de la présence des salariés dans les conseils d'administration.

Une ordonnance prise en application de ce projet de loi visera par ailleurs à encadrer les retraites-chapeaux.

Figurent également dans ce projet de loi des dispositions ouvrant les expérimentations de véhicules autonomes, simplifiant les procédures de dépôt de brevets, créant un cadre juridique pour les émissions de cryptomonnaies (ICO, ou offres initiales de jetons), organisant le transfert par l'Etat du contrôle de La Poste à son "bras financier", la Caisse des dépôts (CDC), afin de créer un "grand pôle financier public", ou encore réduisant la durée des soldes de six à quatre semaines. (Myriam Rivet, avec Leigh Thomas et Gwenaëlle Barzic, édité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : Groupe ADP, ENGIE