PARIS (awp/afp) - Le volumineux projet de loi Pacte, qui doit donner de l'air aux entreprises, arrive mardi dans l'hémicycle du Sénat. Accueilli favorablement dans son esprit par la majorité de droite, il risque cependant de buter sur la question de la privatisation d'ADP.

Porté par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, le "plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises" a été adopté en première lecture en octobre par l'Assemblée nationale. Le Sénat s'en saisit à son tour durant deux semaines, en vue d'un vote solennel le 12 février.

"Cela fait deux ans ou presque que je travaille sur ce projet de loi. J'estime qu'il aurait dû être adopté en trois mois pour transformer les seuils (fiscaux et sociaux), simplifier la vie des PME, alléger les contraintes sur les commerçants, mieux rémunérer les salariés avec intéressement", déclarait le ministre début janvier.

Comme à l'Assemblée, le texte critiqué comme "disparate", "sans ligne conductrice", voire "fourre-tout", a fait l'objet au Palais du Luxembourg d'une commission spéciale. En réponse aux signes d'impatience dont fait montre le ministre, sa présidente centriste Catherine Fournier vante "l'hyper réactivité" des sénateurs "pour optimiser le texte".

"Le Sénat considère ce projet de loi comme capital pour les entreprises", affirme-t-elle à l'AFP.

"Pour favoriser leur compétitivité, la commission a axé son travail sur la simplification et la modernisation, tout en maintenant un cadre protecteur pour les intérêts publics et les intérêts des consommateurs", selon elle.

La commission a aussi élagué le texte de mesures "touchant parfois à l'anecdotique". Le texte initial du gouvernement comportait déjà 73 articles, il a été gonflé jusqu'à 196 par les députés. Les sénateurs en ont déjà supprimé 37, dont un concernant les poinçons sur les bijoux et métaux précieux.

"Bijoux de famille"

Parmi les nombreuses dispositions clés, la privatisation projetée d'ADP (ex-Aéroports de Paris) s'annonce comme "le point dur", avec des questionnements qui dépassent les clivages partisans traditionnels, sur fond de crise des "gilets jaunes" qui soulèvent notamment la question de l'argent public.

"Aujourd'hui, on ne peut pas certifier qu'une majorité se dégagera dans un sens ni dans un autre" sur cette privatisation, estime Michel Canevet, corapporteur centriste, tandis que son homologue LR Jean-François Husson estime de plus en plus vraisemblable l'hypothèse d'un rejet.

Un tel scénario risquerait fort de compromettre un futur accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, et une nouvelle lecture dans les deux chambres serait nécessaire, l'Assemblée ayant au final le dernier mot. "Du coup le Sénat aura perdu", glisse un sénateur LREM.

La commission spéciale "a laissé la porte ouverte à un débat en séance", relève Mme Fournier. "Nous avons fait en sorte de mieux réguler les choses, pour garantir une plus grande protection de l'État".

Les Républicains sont divisés, certains résolument hostiles. Pour Philippe Dallier, "c'est clair, c'est non !". "L'État vend les bijoux de famille", déplore Philippe Dominati.

Sans surprise, le groupe CRCE (à majorité communiste) entend s'y opposer farouchement, criant au "scandale d'État" et rappelant les précédents "malheureux" des autoroutes ou de l'aéroport de Toulouse. "Inacceptable", jugent aussi les socialistes.

En commission, les sénateurs ont déjà supprimé les dispositions relatives à la privatisation prévue de la Française des jeux. En ce qui concerne Engie, ils se sont assurés que l'État "conserve un droit de regard" .

L'assouplissement des règles pour l'épargne retraite et la simplification des seuils sont attendus comme d'autres points de discussions serrés.

Sur les seuils sociaux - qui lorsqu'ils sont franchis déclenchent de nouvelles obligations - le texte initial supprimait celui de 20 salariés, les regroupant sur les niveaux de 11, 50 et 250. La commission spéciale du Sénat va plus loin, proposant de passer de 50 à 100.

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