Sur un marché des services informatiques où la demande reste forte, certains acteurs cotés ont connu des accidents de parcours au 1er semestre. A l’image de Groupe Open, qui a souhaité faire le point avec nous. Guy Mamou-Mani, Open fête ses 30 ans cette année.

Le groupe est issu du rapprochement de plusieurs ESN, certaines cotées en Bourse. Qu’est-ce-qui fait la spécificité du groupe aujourd’hui ?

Quand Frédéric Sebag, avec qui je co-préside Open, a créé le groupe, l’activité consistait majoritairement à distribuer du matériels et logiciels informatique, avec la société Logix. Je l’ai rejoint en 1999 pour créer la structure services et nous avons vendu Logix en 2007, pour 120 M€ à un grossiste américain. Les 150 M€ de trésorerie disponible nous ont permis de réaliser plusieurs acquisitions d’envergure, notamment Teamlog et Sylis, et de fonder le nouveau Groupe Open. Entre 2010 et 2018, le Groupe a enchainé les exercices de croissance et d’amélioration de la profitabilité, avec un plan stratégique annoncé en 2015 pour opérer notre propre transformation digitale. Ce positionnement se révèle pertinent aujourd’hui, avec 14 M€ de CA semestriel réalisé par notre activité Agences Digitales & Solutions, en hausse de 18%. La récente acquisition d’Izberg en très forte croissance vient renforcer ce pôle. Le reste de notre offre est celui d’une ESN classique, qui vise à accompagner les entreprises dans l’évolution de leur système d’informations à travers des centres de services. Une autre spécificité d’Open réside dans sa politique RSE extrêmement poussée, en particulier en matière de gestion des RH : rémunération non discriminante, éthique des affaires, mise en conformité anticorruption, etc. Notre rapport annuel en matière de RSE, très fourni, est bon témoin de notre engagement sociétal."

Depuis quelques trimestres, les chiffres publiés par Open marquent une rupture. Que se passe-t-il en interne ?

 "Il faut reconnaitre que nos derniers résultats ne sont pas bons : chiffre d’affaires en baisse de 3%, résultat opérationnel courant en baisse de 53%, résultat net impacté par des dépréciations exceptionnelles... Cette contre-performance provient d’une forte hausse de notre turnover, à 28%, contre 25% dans la profession et 20-22% historiquement chez Open. Ce phénomène a directement dégradé notre taux d’occupation et, portant, notre marge opérationnelle courante, qui est passée de 7,6% à 3,7%. Sachant qu’un point turnover en plus se traduit par près d’un point de taux d’occupation en moins, lequel coûte près d’un point de marge opérationnelle… Est venu s’ajouter une réduction du recours à la sous-traitance qui impactera le CA annuel à hauteur de 7 M€.  En effet, afin de nous mettre en conformité avec la législation française, nous avons dû arrêter notre collaboration avec des informaticiens freelance qui, malgré nos propositions d’embauche, ont préféré rester indépendants. Nous avons décidé de nous conformer à la législation au plus vite sur ce sujet qui touche toute la profession. Ce seul point explique une grande partie de notre décroissance ce semestre."

Perspectives 2019 (Source présentation S1 société)

A quel horizon le Groupe peut-il retrouver le chemin de la croissance et restaurer sa profitabilité ?

"Tout dépendra du rythme de rétablissement du turnover, car notre marché se porte très bien, il ne montre aucun signe de ralentissement, et nous avons signé des contrats très importants encore très récemment. Dans ce contexte, nous déployons notre plan d’actions qui vise à infléchir la tendance sur trois grandes thématiques, l’Offre, la Politique RH, et l’évolution de l’organisation, avec pour but de renforcer la dynamique commerciale, l’attractivité et la fidélisation. Sur le volet Politique RH en particulier, la refonte de notre plateforme de gestion du recrutement et du suivi des collaborateurs, depuis l’offre d’emploi jusqu’au suivi de leur carrière devrait impacter progressivement la fidélisation. En complément, un dispositif renforcé de recrutement, favorisant la cooptation ainsi que la formation de tous les acteurs impliqués dans le recrutement, doit favoriser le retour à un solde net positif de nos effectifs. Enfin, nous avons recruté un grand professionnel du management, Hervé Skornik, en tant que Directeur général de l’activité IT Services, qui regroupe plus de 90% de nos effectifs français. Nous restons prudents sur le timing du redressement, car cela prendra forcément du temps. Nous pouvons juste indiquer à ce jour que sur le troisième trimestre, nous observons déjà une fin d’hémorragie, avec un taux d’occupation en hausse de 2 points et un effectif net qui se stabilise. Et que le deuxième semestre sera, comme chaque année, meilleur que le S1, avec une très bonne visibilité sur 2020 qui nous permet d’envisager une meilleure année que 2019."

La capitalisation de Groupe Open a été divisée par plus de trois en moins de 18 mois. Etes-vous plutôt une proie ou prédateur ?

"J’éviterai de parler de croissance externe, car malgré la solidité de notre bilan, nous n’avons pu réaliser notre plan d’acquisition qui devait nous porter à 500 M€ de CA. Quant à être une proie, moins que jamais compte tenu de notre valorisation absurde ! Il n’est pas question de vendre à une telle valorisation. Je suis même acheteur à titre personnel sur ces cours !"