par Keith Coffman

DENVER, Colorado, 2 janvier (Reuters) - Les premiers débits de marijuana ont ouvert leurs portes mercredi dans le Colorado, une première mondiale saluée par de longues files d'attente.

Une trentaine d'enseignes autorisées par l'Etat de l'ouest américain à vendre cette drogue pour un usage non médical ont accueilli dès 08h00 du matin (15h00 GMT) leurs premiers clients, dont certains avaient parcouru des centaines de kilomètres.

"C'est un moment historique, je ne pensais pas que ça arriverait un jour", a déclaré Jacob Elliott, un employé du secteur de la défense âgé de 31 ans, venu de Leesburg, en Virginie, près de Washington.

A Northglenn, un faubourg de Denver, le premier client du Botana Care était Jesse Phillips, un ouvrier d'assemblage arrivé dès une heure du matin. "Je voulais être un des premiers à acheter du 'pot' et ne pas être poursuivi pour cela. Il était grandement temps de mettre fin à la prohibition."

Robin Hackett, 51 ans, une des gérantes du magasin, attendait 800 à 1.000 clients pour sa journée d'ouverture. Avec un stock de 23 kg de drogue, vendue sous forme de joints, mais aussi de gâteau, de savon, d'huile ou de lotion, elle prévoyait de fixer des quotas par client.

28 GRAMMES

Si la possession, la culture et la consommation privée de marijuana à usage purement récréatif par des adultes ont été légalisées au Colorado il y a plus d'un an par un amendement constitutionnel approuvé par référendum, c'est seulement depuis ce 1er janvier que la drogue y est légalement produite, vendue et taxée selon un système inspiré par celui que de nombreux Etats ont mis en place pour les ventes d'alcool, et qui n'existe nulle part ailleurs pour la drogue.

Même aux Pays-Bas, où la vente de produits à base de cannabis est dépénalisée dans les "coffee shops" ou les discothèques, la livraison de ces produits à ces enseignes reste illégale.

Seul le parlement uruguayen a récemment approuvé un projet de loi autorisant la production et la commercialisation du cannabis mais les modalités d'application restent à définir.

Dans le Colorado, la vente est limitée à une once (28 grammes) de marijuana pour les habitants de l'Etat, à un quart d'once pour les visiteurs extérieurs.

Le cannabis reste en revanche un produit stupéfiant illégal aux yeux de la législation fédérale mais l'administration de Barack Obama a promis de laisser une certaine marge de manoeuvre aux Etats.

L'initiative de Denver doit être suivie dans l'année par l'Etat de Washington et une vingtaine d'autres Etats américains ont approuvé la consommation du cannabis à des fins médicales.

Pour le seul Etat du Colorado, cette commercialisation du cannabis ouvre un nouveau marché estimé à terme à 578 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel, dont 67 millions de taxes pour les autorités locales.

POUR ET CONTRE

Reste que le débat reste vif entre partisans et détracteurs de la légalisation.

"Légaliser la marijuana pour les adultes n'est pas une expérience. La prohibition était une expérience et les résultats ont été épouvantables", a estimé Mason Tvert, porte-parole du Marijuana Policy Project.

Comme lui, les pro-légalisation font valoir que la répression n'a pas fait reculer la consommation et qu'elle frappe des individus qui par ailleurs respectent la loi. Ils soulignent aussi l'avantage des recettes fiscales apportées par la légalisation.

Quant aux anti, ils redoutent les conséquences de la commercialisation du cannabis sur le fonctionnement de la société, mentionnant une baisse de la productivité, le risque d'accidents sur les lieux de travail.

Ils craignent aussi que ce nouveau "business" ne cherche à attirer les mineurs et à accroître le nombre de personnes dépendantes pour élargir sa clientèle.

L'ancien représentant démocrate Patrick Kennedy, un des fils du sénateur Ted Kennedy et le cofondateur du projet "Smart Approaches of Marijuana" (approches intelligentes de la marijuana), plaide pour limiter toute publicité en faveur de la drogue et d'interdire pour l'instant la généralisation de sa commercialisation, tant que le secteur est encore immature.

"Si nous livrons cette bataille suffisamment tôt, nous pourrons prévenir certains effets pervers les plus nuisibles", a-t-il dit, citant l'exemple de la promotion de l'alcool auprès des jeunes. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)