Madrid (awp/afp) - Sauvetage russe pour Dia? Le fonds du milliardaire Mikhail Fridman, déjà premier actionnaire de l'enseigne espagnole de supermarchés, a annoncé mardi le lancement d'une OPA sur le groupe en grande difficulté.

L'offre s'établit à 67 centimes par action, soit plus du double de sa valeur à la clôture lundi, valorisant Dia à 417 millions d'euros. A la Bourse de Madrid, l'annonce de cette OPA a fait s'envoler le titre de 62% à 70 centimes vers 12H30 GMT.

Le fonds LetterOne, basé au Luxembourg et qui détient déjà 29% du capital de Dia, justifie cette offre par les "sérieuses difficultés financières" du groupe, qui a perdu depuis début 2018 près de 90% de sa valeur.

"L'entreprise est actuellement en déclin structurel et sa marque s'est détériorée de manière significative", écrit dans un communiqué le fonds qui promet une augmentation de capital de 500 millions d'euros si l'OPA réussit.

Pour y parvenir, il devra acquérir au moins la moitié des actions visées.

"Dia est passé à côté des principaux changements dans les tendances de consommation, sa performance a été inférieure à celle de ses concurrents et il a perdu des parts de marché, en particulier en Espagne", selon LetterOne.

'Make Dia a Champion'

Dia sort en effet d'une année 2018 chaotique: outre sa dégringolade en Bourse, qui lui a valu une exclusion de l'indice vedette espagnol Ibex 35, et des dégradations en série par les agences de notation, elle affronte en 2019 une échéance de dette supérieure à 300 millions d'euros.

Le groupe a également publié en octobre un avertissement sur résultats et annoncé en décembre le lancement prochain d'une recapitalisation et sa volonté de céder sa chaîne de produits de beauté et d'hygiène Clarel et de ses magasins de vente en gros Max Descuento.

Les difficultés du groupe ont largement déteint sur la direction de l'entreprise: en décembre, Dia a nommé son troisième directeur général en moins de six mois, après que les proches de Mikhail Fridman, en désaccord avec les mesures annoncées, ont claqué la porte du conseil d'administration...

...pour mieux revenir à la charge quelques semaines plus tard, avec cette OPA et un "plan de redressement à cinq ans" que LetterOne laissait déjà entrevoir en décembre.

Les grandes lignes de ce plan, baptisé en anglais "Make Dia a Champion", sont encore assez vagues: "réajustement des prix et promotions", "stratégie adéquate de réseau de magasins", "investir dans la marque et le marketing"...

Croissance chaotique

Pour Antonio Sales, analyste de XTB interrogé par l'AFP, "ils savent que c'est une entreprise rentable qui a été mal gérée, mal structurée, et cherchent à en prendre le contrôle total" pour mieux la restructurer.

Dia paie, selon lui, "une croissance trop rapide et sans stratégie bien définie, c'est-à-dire croître pour croître".

"Dia a très bien fonctionné à l'époque la plus difficile pour l'Espagne, quand on cherchait spécialement des prix bas, mais n'a pas su se sortir de cette situation, avec des magasins peu rentables, mal structurés", dit-il. "On laissait qui le pouvait ouvrir un magasin où il le voulait".

Conséquence: une désorganisation qui risque de contraindre le groupe à fermer des magasins et peut-être se retirer de certains de ses marchés étrangers: Portugal, Argentine, Brésil, où il possède un tiers de quelque 7.500 magasins.

Mais Dia n'est pas sauvé pour autant, pour Antonio Sales: "le principal risque, c'est qu'ils rachètent le groupe, refinancent (sa dette), et considèrent qu'il n'est pas restructurable", juge-t-il.

Le groupe de Mikhail Fridman, l'un des 100 hommes les plus riches du monde en 2018, selon Forbes, avec une fortune estimée à 15,1 milliards de dollars (13,2 milliards d'euros), veut rassurer en rappelant qu'il compte dans son équipe d'anciens dirigeants de Carrefour et Lidl, et qu'il possède déjà une enseigne de distribution: la chaîne britannique de produits naturels Holland & Barrett, rachetée en 2017.

afp/ol