Article publié par Marie Fortin, Consultante pilotage de la performance chez Keyrus

Ils ont en moyenne 35 ans, 75% d'entre eux se disent épanouis au travail, et leur nombre a augmenté de 126% en 10 ans (Etude Malt- Ouishare). Nous parlons ici des freelances. Mais qui sont ces OVNI, comme les appelle Aymeril Hoang, ex-directeur de cabinet de Mounir Mahjoubi ?

Une personne en freelance travaille seule, par définition, à temps plein pour une grande majorité (70%), et de chez eux à raison de 3,5 jours par semaine en moyenne. Ce sont des développeurs (26%), des talents du marketing et de la communication (24%), ou encore des chefs de projets (12%). Eux ont réussi le défi de travailler avec des sociétés diverses (PME, SSII, grands groupes) tout en restant éloignés de la capitale (66% des freelances sont installés en province).

Les freelances appliquent de nouvelles méthodes de travail et de récentes études (Etude Malt, Livre Blanc Comet, Etude 404works) les considèrent comme des pionniers desquels tirer de nombreux enseignements en matière de méthodes de travail, de résilience et de formation continue.

Objectivement, les façons de faire des freelances correspondent à des demandes de plus en plus courantes des salariés, auxquelles leur management doit prêter l'oreille pour s'adapter.

Par exemple, alors que l'on constate que les salariés cherchent de plus en plus à redonner du sens à leur travail, les freelances ont réussi à réconcilier travail et quête de sens. Ils déclarent travailler sur des projets qui sont en lien avec leurs aspirations, et développent des compétences qui ont du sens pour eux (Témoignage de Marlène, freelance). Nous pensons également à la flexibilité des horaires et au travail à distance (notamment avec le développement du télé-travail). Les freelances sont les premiers à casser les notions d'unité de lieu et de temps. Ils travaillent avec des outils collaboratifs, tels Slack ou Gitlab, et échangent avec des acteurs multiples. Ces méthodes brouillent les frontières entre le temps de travail professionnel et le temps de loisir. En conséquence, s'il ne s'agit plus d'évaluer le travail au temps passé, consommé, alors l'employeur/le client reporte son attention sur le fruit du travail.

Des espaces de travail décloisonnés

Les méthodes de travail des freelances remettent également en question l'utilisation des espaces de bureaux. Si la tendance va à la création de davantage de lieux interactifs et d'échanges, Cal Newport (professeur à Georgetown) prend le contrepied en favorisant avant tout la concentration comme clé du succès. Dans son livre Deep Work : Rules for Success in a Distracted World, paru en 2016, l'auteur traite de notre capacité à se concentrer pour travailler 'profondément' ('deep work'), comme la compétence la plus rare et la plus utile dans l'économie d'aujourd'hui. Être capable d'écarter les distractions et les notifications, omniprésentes, est ainsi source de création de valeur. A ce titre, il n'est pas rare de voir des salariés rapporter du travail à leur domicile, pour accomplir ce « deep work », tandis que le bureau devient l'espace consacré aux interactions plus ou moins superficielles avec les collègues. En s'appuyant sur l'expérience des freelances, les entreprises seront certainement amenées à créer des espaces de travail spécifiques, favorisant la concentration, en fonction de l'effort à fournir.

La résilience, bouclier pour progresser

Tout salarié peut également s'inspirer des compétences d'adaptabilité des freelances dans un monde où l'innovation est devenue une vertu cardinale. Ainsi la résilience se révèle comme une qualité de plus en plus critique. Dans une interview publiée sur Medium « Freelancing et management » Aymeril Hoang explique que selon lui, « cette notion de résilience est fondamentale. C'est la capacité à rebondir face à l'imprévu, face aux chocs de la vie. C'est de notre résilience que dépend notre employabilité future. Or, dans les très grandes organisations, le système a conduit tout le monde à abandonner l'idée de résilience individuelle et collective. Beaucoup de salariés ont arrêté d'apprendre. Ils sont dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur employeur. Cette dépendance est devenue toxique dans un monde ultra-changeant où l'on doit apprendre tous les jours. » Les freelances sont intrinsèquement des personnes résilientes, qui se doivent d'apprendre en continu pour faire partie des « winners-take-all » (les meilleurs raflent la mise) et garantir leur employabilité dans un marché extrêmement mouvant à forte concurrence. Pour cela, ils se forment en continu et embrassent ainsi une vision du développement personnel plus dynamique et plus responsabilisante pour l'individu. La formation s'apparente à une nécessité en continu, mais aussi à une opportunité de satisfaire sa curiosité personnelle.

Le freelance, un artisan contemporain

Dans une économie où chacun doit sortir son épingle du jeu pour réussir, il est inspirant d'étudier le comportement des freelances qui doivent maintenir leur attractivité. En ce sens, une analogie entre l'artisan et le freelance semble appropriée tant les valeurs de l'un, l'autonomie, la créativité et la responsabilité, s'appliquent à l'autre. Ainsi, les freelances fixent leurs propres règles dans un cadre de dépendance client (autonomie), abordent chaque client comme une situation nouvelle (créativité) et assument leurs choix et leurs conséquences (responsabilité). Face à ces comportements, l'entreprise se doit également de s'adapter comme l'explique Anne-Sophie Godon, Directrice Innovation chez Malakoff Médéric Humanis : « Voilà un défi pour les entreprises. Les nouvelles générations exigent plus de flexibilité et d'autonomie et les outils numériques les rendent plus faciles. Les freelances s'inscrivent totalement dans cette mouvance. On doit s'organiser pour être plus agile, plus flexible et laisser plus d'autonomie à tous. » (Etude Malt « Comment les freelances transforment le management »)

« C'est de la culture des freelances que les entreprises ont besoin »

Par ailleurs, force est de constater que les stratégies des entreprises s'orientent vers la maîtrise des systèmes d'information. Les SI ne représentent plus une simple infrastructure au service des métiers, mais il devient essentiel d'internaliser toutes les compétences afférentes à leur développement et à leur maintien pour maximiser la création de valeur. Quoi de mieux alors pour une entreprise que de faire appel à des freelances pour former ses salariés et polliniser les différents départements avec les bonnes pratiques d'agilité ? David Giblas, Directeur Innovation, Digital et Data & IA chez Malakoff Médéric Humanis le dit : « C'est de la culture des freelances que les entreprises ont besoin. Lorsque nous faisons appel à des freelances, un de nos objectifs est de faire monter l'interne en compétence ». (Etude Malt « Comment les freelances transforment le management »)

Heureux comme un freelance en 2030…

A quoi s'attendre dans les 10 prochaines années ? A une explosion de ce mode de travail ? A une fuite du salariat vers l'indépendance ? A une meilleure intégration des deux ? L'agilité et la résilience répondent certainement à l'arrivée de l'intelligence artificielle. Imaginons aussi que la classe politique se saisisse du sujet. Peut-être pouvons-nous nous projeter dans un monde où le code du travail se sera adapté avec un statut pour les freelances ? Pourquoi ne pas voir naître un écosystème d'indépendants, reliés par des plateformes connectées ? Le nomadisme apparaîtrait comme une façon de travailler intégrée dans les mœurs. Nous pouvons également songer à des espaces de travail repensés, composés de structures à mi-chemin entre le « coliving » et le « coworking ». Le rythme de l'innovation sera devenu si rapide que la population active devra acquérir de nouvelles compétences, pour une utilisation quasi-immédiate. Serait-ce trop osé d'imaginer une évolution du contrat de travail, en ne reposant plus sur un lien de subordination mais un lien de coopération ? A l'entreprise de fournir au salarié une expérience « apprenante » susceptible de le valoriser par la suite. L'acquisition de compétences et d'expériences se placerait alors au cœur du contrat de travail. Alors… indépendants, oui, seuls, non. Nous conjuguerons notre apprentissage sur le mode de l'échange, de la transmission : « je me forme, je te forme, tu me formes ». En entreprise, la frontière des ressources humaines sera désormais ouverte aux écosystèmes d'indépendants, et les freelances en mission seront autant valorisés que le reste des collaborateurs de l'entreprise. Aspirations professionnelles et personnelles se rejoignent ainsi au centre des préoccupations des organisations et de la société dans son ensemble.

La Sté Keyrus SA a publié ce contenu, le 01 mars 2019, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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