Paris (awp/afp) - Le fonds Amber Capital veut transformer la gouvernance du groupe d'Arnaud Lagardère dont il est désormais le premier actionnaire et en finir dès cette année avec le statut de commandite, le dernier rempart de son dirigeant.

"Dans une société cotée normale, il y aurait eu depuis longtemps des changements majeurs au niveau du management": le fondateur d'Amber Capital, Joseph Oughourlian, ne peut pas demander directement le départ d'Arnaud Lagardère.

Mais lors d'une conférence téléphonique jeudi avec des journalistes, il a présenté les résolutions qu'il soumettra au vote des actionnaires lors de la prochaine assemblée générale prévue le 5 mai.

Ce plan baptisé "Stronger Lagardère" ("Lagardère plus fort") ne prévoit pas tant de changements stratégiques mais plutôt une révision complète de la gouvernance du groupe recentré sur l'édition (Hachette) et la distribution (Relay), et qui est la maison-mère d'Europe 1, du JDD et de Paris Match.

Actionnaire de Lagardère depuis 2016 avec désormais 16,42% du capital et 12,48% des droits de vote, le fonds activiste britannique souhaite notamment "renouveler intégralement le conseil de surveillance" du groupe, "l'un des rares contre-pouvoirs" face à l'associé-commandité, qui aura notamment la possibilité d'opposer son veto en mars 2021 au renouvellement pour six ans du mandat de gérant d'Arnaud Lagardère.

Lagardère "est géré pour l'intérêt d'un actionnaire qui a un problème énorme d'endettement et cela l'a amené à liquider petit à petit le groupe qui avait été construit par son père" Jean-Luc Lagardère (mort en 2003), attaque Joseph Oughourlian.

Le fondateur d'Amber pointe également "des performances économiques très en dessous de la moyenne" et une série de fusions-acquisitions "désastreuses", notamment dans le sport et la production vidéo.

Arnaud Lagardère est à titre personnel le troisième actionnaire de son groupe avec 7,33% des actions, mais 10% des droits de vote, qu'il ne pourra pas utiliser sur les résolutions concernant les nominations au conseil de surveillance.

Rémunérations "très excessives"

Quelles sont les chances de réussite d'Amber, qui avait manqué en 2018 l'occasion de faire élire des représentants au conseil de surveillance, empêché à l'époque par le ralliement à la dernière minute du Qatar, et de ses 20% des droits de vote, à Arnaud Lagardère ?

"Si on suppose que le Qatar voterait contre nos résolutions, on aurait 20% des droits de vote contre nous. (...) Avec un peu plus de 12%, on est pas très loin mais il nous faut convaincre les autres actionnaires", a répondu Joseph Oughourlian. Près de la moitié des droits de vote sont contrôlés par des détenteurs du capital flottant.

Amber a par ailleurs décidé de ne pas remettre en cause les cooptations récentes au sein du conseil de surveillance de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy et de l'ex-patron de la SNCF Guillaume Pepy.

Et le fonds veut aussi convaincre les autres actionnaires d'exiger l'abandon de la structure de société en commandite par actions (SCA) et de revenir à une société anonyme plus classique.

"La commandite n'a pas fonctionné pour les actionnaires, pour les employés ou les collaborateurs de la société", affirme Joseph Oughourlian qui propose en prime de "s'épargner une très très grande partie" du coût lié au système de holding, estimé selon le fonds à environ 80 millions d'euros par an.

Lagardère Capital & Management (LC&M), la holding qui détient la participation d'Arnaud Lagardère dans son groupe, et emploie cinq membres de la direction, coûte selon les calculs d'Amber en moyenne 21 millions d'euros par an à la société cotée, une somme utilisée pour des rémunérations "très excessives" selon M. Oughourlian.

En octobre, Amber Capital a obtenu de la justice qu'Arnaud Lagardère publie de nouveau les comptes de cette holding, mais celui-ci ne s'est pas exécuté et a fait appel. Et une audience prévue jeudi a été repoussée en raison de l'épidémie du Covid-19, un revers pour Amber qui pouvait espérer une victoire d'étape avant l'AG.

Une dernière solution se dessine : la monétisation de la commandite par Arnaud Lagardère qui voudrait rembourser ses dettes. "Ça peut être une hypothèse, pourquoi pas, mais ce n'est que pure spéculation à ce stade", a dit M. Oughourlian.

Arnaud Lagardère avait été plus clair cet automne lorsqu'il avait déclaré à l'occasion d'une présentation des résultats du groupe: "Devrions-nous toucher à la structure de la société? Jamais, il faudra me passer sur le corps".

afp/rp