par Howard Schneider et Ann Saphir

WASHINGTON, 30 avril (Reuters) - La Réserve fédérale, qui tient sa réunion de politique monétaire mardi et mercredi, doit décider quelle importance accorder aux signes voulant que l'économie ait atteint un stade où les salaires, l'inflation et d'autres indicateurs différés s'orientent tous vers le haut.

Le coût de la main d'oeuvre a augmenté de 4% annualisés au premier trimestre, suivant la statistique du PIB publiée vendredi dernier, poursuivant sa marche régulière en avant - comme le disent des économistes de JPMorgan - depuis que le taux de chômage est tombé à moins de 5% en 2015.

Les investisseurs semblent d'accord sur ce point comme en témoigne la montée du rendement de l'emprunt de référence à 10 ans au-dessus de 3% la semaine dernière, pour la première fois depuis plus de quatre ans.

La pénurie de main d'oeuvre qualifiée est l'un des éléments avancés par les analystes pour expliquer l'accumulation des commandes en souffrance dans l'industrie, comme le montrent de récents indices des directeurs d'achats.

Si l'on ajoute le coup de pouce budgétaire du gouvernement, tant au niveau des dépenses publiques que d'une nouvelle fiscalité très favorable aux entreprises, ainsi que la hausse des prix de l'aluminium, de l'acier et peut-être d'autres biens induite par de nouveaux droits de douane, il se peut que l'analyse de la situation économique de la Fed prenne une autre substance.

"La demande reste très soutenue", observe Tim Fiore, directeur du comité d'étude de l'Institut of Supply Management (ISM). "Les possibilités d'une forte expansion sont légion (...) Si l'on y regarde de plus près, l'emploi entrave la capacité des producteurs à répondre à la demande".

La Fed ne devrait pas modifier ses taux directeurs à l'issue de sa réunion de politique monétaire. Elle ne publiera pas non plus de prévisions économiques mises à jour et le président Jerome Powell ne doit pas tenir de conférence de presse.

La déclaration de politique monétaire pourrait en revanche montrer de quelle manière le FOMC (Federal Open Market Committee) a intégré certaines des évolutions récentes et les répercussions éventuelles de ce processus sur son analyse depuis sa réunion de mars, au terme de laquelle les taux avaient été relevés.

Des documents de l'institut d'émission publiés depuis semblent signaler un changement de cap des débats sur l'inflation et les salaires.

On ne retrouve plus, dans le compte rendu de la réunion des 20 et 21 mars, le mot "slack" (capacités de production disponibles mais inemployées) dans les débats sur le marché du travail, ce qui constitue un changement notable car la notion revenait régulièrement pour décrire la situation de ce marché dans le cycle actuel d'expansion économique.

Dans son "Livre Beige", la Fed observe que le patronat peine à recruter, que ce soit du personnel qualifié ou des personnes sans qualification précise.

"Le marché du travail est tendu et continue de se tendre", constatait Erin Browne (UBS Asset Management) vendredi, après la publication du coût du travail. "Finalement, on voit que ça commence à se répercuter sur l'inflation par les salaires".

Même si l'inflation reste en deçà de l'objectif de la Fed, soit 2%, depuis des années, il semble que la banque centrale soit de plus en plus confiante sur ce point, pensant que la trajectoire haussière des prix ne retombera pas à nouveau et que son objectif finira donc bien par être atteint.

"Elle ne décèle plus de risques baissiers pour l'inflation", résume Ed Al-Hussainy (Columbia Threadneedle Investments).

Au vu des données de CME Group et des futures de l'eurodollar, il n'y aurait plus que deux autres hausses des taux cette année mais beaucoup d'économistes disent que la Fed se mettra dorénavant à rehausser les taux sur une base trimestrielle, ce qui en ferait trois d'ici la fin de l'année.

L'évolution des revalorisations salariales sera primordiale pour l'analyse de la Fed, Jerome Powell y voyant l'inconnue majeure lorsqu'il s'agit de déterminer si le "plein emploi" est atteint, voire dépassé. Elle modulera à son tour les discussions quant à savoir si la Fed doit accélérer le rythme de la normalisation monétaire. (Wilfrid Exbrayat pour le service français)