Parler de tensions ne revient pas seulement à attester de la progression des cours, de l’ordre de 6% depuis le début du mois de juin, mais aussi d’apprécier le changement de structure des prix à terme, qui tendent à passer sur les échéances à trois mois d’un contango bien affirmé à une backwardation. Autrement dit, le prix spot (ou cash) tend à devenir supérieur au prix à trois mois, se traduisant par une prime physique dont les opérateurs doivent s’acquitter pour disposer rapidement du métal rouge.


Evolution de la structure des prix à termes du cuivre, échéance 3 mois – source : Bloomberg

Bien que ce changement de structure des prix à terme ne se vérifie que sur de courtes échéances, il demeure riche de sens dans la mesure où le marché évolue depuis plusieurs mois en contango. De ce fait, comment expliquer ce soudain regain d’intérêt pour le cuivre ?

Menaces de grève à Escondida ?

Le syndicat des ouvriers de la mine d’Escondida a entamé des pourparlers avec la direction de la mine, gérée par le groupe anglo-australien BHP Billiton, ravivant ainsi chez les opérateurs des craintes d’interruption de production.

Bien que cette mine représente à elle seule près de 5% de la production mondiale, les inquiétudes paraissent à ce stade d’une part prématurées et d’autre part excessives. En effet, les menaces de grève ne sont pas nouvelles, les relations avec les différents syndicats d’ouvriers et la direction étant déjà exécrables depuis la dernière grève en février 2017, qui a duré plus d’un mois. Cette dernière a coûté cher à BHP, avec un manque à gagner de près de 1,6 milliard de dollars. Par conséquent, le groupe, déjà empêtré dans de nombreuses opérations de maintenance, ne pourra se permettre de nouveaux bras de fer.

Par ailleurs, il convient de relever que le contrat de travail collectif qui lie les ouvriers à BHP n’expire que le 31 juillet. Une grève légale ne pourra ainsi avoir lieu qu’au courant du mois d’août, laissant un délai confortable aux différentes parties pour trouver un accord avant l’expiration du contrat collectif. Comprenons donc que la probabilité de perturbation de l’activité d’Escondida apparaît, à la lumière de ces éléments, limitée.

Niveau des stocks du LME ?

Etudier l’évolution des prix à termes revient nécessairement à s’attarder sur la variation des stocks. Une baisse significative de ces derniers engendre généralement une forte tension sur les prix, sentiment de pénurie oblige.


Moyenne mensuelle des prix du cuivre et des stocks officiels – source : Westmetall

Il convient ainsi de scruter les stocks officiels, comptabilisés dans les entrepôts du LME. A ce titre, rien n’indique à priori qu'ils fondent comme peau de chagrin. Au contraire, les stocks se stabilisent autour de 300 000 tonnes. Bien que l’on ne dispose pas de suffisamment de données pour apprécier leur disponibilité, l’évolution des stocks ne justifie pas à elle seule la dernière envolée des cours du cuivre.

Quid de l’ogre chinois ?

Au final, les causes des soubresauts du marché ne se trouvent ni du côté de l’offre, ni des stocks. Reste donc la demande à passer à la loupe. Le plus gros consommateur de cuivre au monde n’est autre que la Chine (à lire ici : Le baromètre mondial donne des signes d’agitation), ses importations sont donc scrutées de près par les professionnels du négoce.

A ce titre, les dernières données douanières, du mois de mai, font état d’une explosion des importations de cuivre raffiné. La Chine a effectivement importé 475 000 tonnes de cuivre, représentant une hausse de 22% par rapport au même mois l’an dernier.

Cette dynamique est très certainement liée à la politique de Pékin concernant les importations de déchets métalliques. Motivées par des préoccupations environnementales et de protection de la santé de la population, les autorités chinoises ont annoncé en avril l’interdiction des importations de ferrailles ne respectant pas un certain seuil d’impureté. Relevons que le Ministère de l’Environnement compte bien aller plus loin et durcir le ton, en prévoyant une règlementation beaucoup plus stricte dès 2019.

Par conséquent, les importations de cuivre ferraillé tendent à chuter au profit du cuivre raffiné. Autrement dit, les acheteurs n’ont pas d’autre choix pour satisfaire leurs besoins que d’importer du cuivre sous d’autres formes, créant mécaniquement un effet significatif sur les cours.

Point graphique

En données hebdomadaires, le cours du cuivre, qui grimpe par pallier depuis 2016, travaille une résistance majeure à 7 200 USD. Un débordement de cette ligne libérerait un nouveau potentiel de hausse vers la zone des 8 000 USD tandis qu’un échec militerait pour une poursuite de la latéralisation à plat.


Evolution du cours du cuivre en données hebdomadaires