Revoici avec précision au dernier para

 

LONDRES (awp/afp) - Le trader français Pierre Andurand, gestionnaire d'un fonds d'investissement spécialisé dans le pétrole, a vu venir dès février l'effondrement des cours du brut, avertissant même sur la possibilité d'un prix négatif. Des prémonitions lucratives.

 

"Il n'y a pas de limite à la baisse des prix (...), des prix négatifs sont possibles", écrit le fondateur d'Andurand Capital sur Twitter le 20 avril dernier, quelques heures avant que le cours de la référence américaine du brut ne passe effectivement sous zéro dollar, une première.

 

Le baril de WTI vient alors d'effacer en quelques semaines les 60 dollars qu'il valait en début d'année sur le marché de New York, et son cousin européen le Brent ne va guère mieux. Dans le même temps, Andurand Capital enregistre une performance à trois chiffres pour l'avoir anticipé dès février, avant l'effondrement du trafic aérien et la fermeture des économies à travers le monde.

 

Le plus beau coup de sa carrière. Et un virage à 180 degrés pour celui qui pariait encore au début de l'année sur une envolée des cours de l'or noir.

 

L'agence financière américaine Bloomberg place d'ailleurs sa société de gestion, dotée d'environ 800 millions de dollars sous gestion, dans la liste des onze "qui s'en sortent le mieux au pire de la crise" d'après une enquête publiée mardi, et dans laquelle les trois-quarts des 1.500 fonds scrutés ont perdu de l'argent à cause du choc économique de la pandémie.

 

"Quand je sens qu'il y a un gros changement en matière de demande et d'offre, je l'analyse en détail et j'essaye de quantifier son impact sur les prix", explique Pierre Andurand à l'AFP.

 

"Très tôt", il acquiert la conviction que le Covid-19 sera "dur à arrêter", qu'il y a "une probabilité forte de mesures de confinement partout dans le monde". Le trader anticipe la réaction en chaîne qui s'est déroulée depuis sur le marché pétrolier: chute de la demande, surplus, stockage en catastrophe poussant les réserves à leurs limites, effondrement des cours.

 

Il table désormais sur une légère hausse des prix, estimant "suffisantes" les coupes volontaires et involontaires des pays producteurs.

 

Sport de compétition

 

Ce n'est pas la première fois que le financier de 43 ans vampirise les cours de l'or noir: en pleine crise financière de 2008, le fonds qu'il vient de lancer affiche une performance de 209,5%, puis 55% l'année suivante. Rebelote en 2014, alors que les cours du pétrole chutent de moitié en quelques mois.

 

Il lui arrive néanmoins de boire la tasse: en 2012, peu avant la fermeture de son premier fonds en début d'année suivante, puis en 2018 et 2019, ses placements perdant entre 15% et 20%.

 

Fils de fonctionnaires, l'Aixois au grand gabarit a passé une partie de son enfance sur l'île de la Réunion avant de revenir en métropole où il nage en équipe de France junior. Il embauchera par la suite deux champions olympiques de natation, le Français Clément Lefert et le Sud-Africain Cameron van der Burgh.

 

Le diplômé en mathématiques appliquées à l'INSA puis en finance à HEC s'intéresse au métier de trader "qui touche un peu à tout: finance, macroéconomie, psychologie, mathématiques, géopolitique", égrène-t-il.

 

Il y retrouve une approche "assez similaire à un sport de compétition, le retour sur investissement remplaçant le chrono", et se rapproche du pétrole grâce aux recruteurs de Goldman Sachs.

 

"Réussir tout seul"

 

Il rejoint leur salle de marchés de Singapour en 2000 avant d'intégrer Bank of America puis en 2003 la société de négoce néerlandaise Vitol, qui lui demande de venir à Londres l'année suivante. "Ça a bien marché assez jeune", dit-il. Euphémisme: les rumeurs évoquent un bonus à 20 millions de dollars l'année de ses 27 ans.

 

En 2007, le trader vedette se sent "suffisamment confiant pour réussir tout seul" et fonde sa première société de gestion, BlueGold avant de lancer Andurand Capital en 2010 qu'il installe en face du grand magasin Harrods, dans le quartier luxueux de Knightsbridge, et qu'il dirige désormais depuis Malte, où il s'est installé en 2017.

 

Le fan de sport, remarié après une première idylle avec une mannequin russe, a par ailleurs lancé un fonds de capital-risque basé aux Etats-Unis qui finance des start-up. Il est également à l'origine d'une franchise de kickboxing, Glory, discipline qu'il a pratiquée et dans laquelle presque tous les coups sont permis.

 

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