Paris (awp/afp) - Le géant mondial de l'optique EssilorLuxottica a annoncé mardi des ventes dynamiques au premier trimestre et insisté sur ses efforts d'intégration de ses activités, restant en revanche muet sur sa crise de gouvernance qui continue de préoccuper les investisseurs.

Son chiffre d'affaires de janvier à fin mars a totalisé 4,21 milliards d'euros (4,8 milliards de francs suisses), conformément aux attentes du consensus d'analystes Factset.

Il s'agit d'une progression de 7,5% en données dites "pro forma", calculées comme si la fusion entre le français Essilor et l'italien Luxottica était effective depuis le 1er janvier 2018, alors qu'elle n'a été réalisée qu'en octobre dernier.

A taux de change constants, l'activité du groupe a progressé de 3,7%, soit dans la fourchette de son objectif annuel (entre 3,5% et 5% à devises constantes).

Cette prévision a été reconduite mardi par le groupe, tout comme ses autres objectifs annuels, à savoir une croissance du résultat opérationnel ajusté comprise entre 0,8 et 1,2 fois celle des ventes, ainsi qu'une croissance du bénéfice net ajusté égale ou 1,5 fois supérieure à celle des ventes.

EssilorLuxottica dit avoir profité en début d'année d'une "dynamique soutenue" dans les divisions verres et matériel optique d'Essilor et celle de la vente au détail de Luxottica.

La division verres et matériel optique d'Essilor a en effet vu ses ventes grimper de 7,8% (+4,6% à devises constantes) à 1,67 milliard d'euros, tandis que l'activité vente au détail de Luxottica a progressé de 10,7% (+4,7% à devises constantes) à 1,45 milliard d'euros sur la période.

Projets d'intégration "solidement enclenchés"

Toutes les autres divisions du groupe ont été en croissance sur le trimestre écoulé, tant en données publiées qu'à taux de change constants.

Par zones géographiques, la dynamique est surtout venue d'Europe, d'Asie-Pacifique et d'Amérique latine. En revanche, en Amérique du Nord, la croissance du groupe a été poussive à taux de change constants (+1,2%).

"L'exercice 2019 a démarré sur de bonnes bases", a estimé le vice-PDG délégué d'EssilorLuxottica Hubert Sagnières, cité dans le communiqué.

"De nombreux projets conjoints d'intégration sont maintenant solidement enclenchés dans plusieurs domaines clés", a-t-il assuré, évoquant entre autres l'utilisation conjointe des réseaux de vente au détail d'Essilor et Luxottica, les ventes croisées dans le commerce de gros ou encore "l'optimisation" de la chaîne d'approvisionnement.

Le PDG Leonardo Del Vecchio, premier actionnaire du groupe via sa holding familiale Delfin (32% du capital), s'est lui aussi déclaré "très satisfait" des résultats du premier trimestre.

"Le deuxième trimestre a bien démarré" a ajouté le directeur général d'Essilor Laurent Vacherot lors d'une audioconférence pour analystes, promettant une "accélération de la croissance dans les prochains trimestres".

Mais ces déclarations se voulant rassurantes n'apaisaient guère les investisseurs: après un début de séance timidement dans le vert, l'action EssilorLuxottica cédait 0,84% à 106,4 euros vers 12H27 (10H27 GMT) à la Bourse de Paris, pendant que le CAC perdait 0,58%.

AG agitée en vue

Les investisseurs demeurent préoccupés par les vives tensions entre M. Del Vecchio et M. Sagnières, qui leur font craindre un retard du processus d'intégration des deux sociétés fusionnées, censé générer de 420 à 600 millions d'euros de synergies annuelles d'ici trois à cinq ans.

Dotés en principe des mêmes pouvoirs opérationnels, M. Del Vecchio et M. Sagnières s'accusent mutuellement depuis des semaines de vouloir prendre le contrôle du groupe aux dépens de l'autre. Aucun des deux n'y a cependant fait allusion mardi dans le communiqué.

M. Del Vecchio a notamment initié fin mars une procédure d'arbitrage auprès de la Chambre de commerce internationale, en vue de faire constater les "violations" des accords de fusion par M. Sagnières et EssilorLuxottica "sous son impulsion".

Le camp Essilor a répliqué le mois dernier en saisissant le tribunal de commerce de Paris, lequel a désigné son propre ancien président, Frank Gentin, pour jouer les médiateurs et organiser la défense d'EssilorLuxottica dans cet arbitrage.

Dans une telle ambiance, l'assemblée générale ordinaire du groupe le 16 mai prochain à Paris promet d'être agitée. Plusieurs fonds actionnaires vont y soumettre des projets de résolutions consistant à nommer des personnalités neutres au sein du conseil d'administration, actuellement divisé entre les camps français et italien.

Les questions liées à la gouvernance ont été exclues d'emblée mardi lors de l'audioconférence, et renvoyées à la prochaine AG.

afp/ck