La mythologie mésopotamienne compte sept vents mauvais. Avec l'attentat de Nice, ils sont au complet pour s'abattre sur un secteur du luxe pénalisé depuis environ deux ans par la chute ininterrompue des ventes à Hong Kong, les mesures anti-corruption prises par les autorités de Pékin, la récession de l'économie russe, la contraction des dépenses des émirs du Moyen-Orient, la baisse de la consommation en Europe et depuis peu, le Brexit. A la Bourse de Paris, les investisseurs s'en sont donc allés : Hermès cède 1,4%, LVMH 1,3% et Kering 1,07%.
Dans une note publiée ce matin, Bryan Garnier affiche sa prudence sur le secteur après le drame niçois. Le courtier s'attendait déjà à un premier semestre morose en Europe (33% du marché mondial du luxe) en raison des attentats de Paris (novembre 2015) et de Bruxelles (mars 2016) qui ont tari le flux de touristes en provenance des Etats-Unis, de la Chine et du Japon. Le nombre de touristes japonais a ainsi chuté de 50% à Paris au premier trimestre, précise le bureau d'études.
De plus, la stratégie mise en place par les géants du luxe d'augmenter leurs prix en Europe pour réduire l'écart avec les tarifs en vigueur en Chine continentale, combinée avec des contrôles douaniers plus stricts des autorités chinoises, ont joué en défaveur du secteur.
Avec l'attaque terroriste d'hier, le troisième trimestre s'annonce également difficile. Bryan Garnier rappelle que la France représente environ 7% du marché du luxe, et la Cote d'Azur, la seconde région la plus importante pour le secteur après Paris, entre 3% à 4%. De plus, le gouvernement français a décidé de prolonger la situation d'état d'urgence, ce qui signifie que les agences de voyage japonaises et chinoises ne visiteront pas la France pour des raisons d'assurance et de sécurité.
Dans ce cadre, le broker a sorti LVMH et l'italien Moncler de sa liste de valeurs préférées en dépit de leurs fondamentaux solides. Le drame de Nice a en effet jeté un nouveau voile sombre sur le luxe en Europe, a-t-il regretté.
Le secteur du luxe a par ailleurs pâti de l'avertissement sur résultats lancé par Swatch. Le premier horloger mondial a prévenu que son bénéfice d'exploitation et son résultat net du premier semestre seraient en baisse de 50% à 60% sur un an en raison de la faiblesse des ventes sur les marchés clés que sont Hong Kong et l'Europe, notamment la Suisse et la France.
Swatch Group publiera ses comptes détaillés le 21 juillet. Sans attendre, le groupe a rassuré ses employés et fournisseurs. Malgré les vents contraires, il ne réduira pas ses effectifs et ses investissements dans le marketing et les nouveaux produits. La société poursuivra sa politique défensive d'augmentation des prix. Mais pour son titre a sonné l'heure, ou presque : il plonge de 9% à 264,20 francs suisses, au plus bas depuis 2009.
LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE est le leader mondial des produits de luxe. Le CA par famille de produits se répartit comme suit :
- articles de mode et de maroquinerie (48,9%) : marques Louis Vuitton, Kenzo, Celine, Fendi, Marc Jacobs, Givenchy, etc. ;
- montres et bijoux (12,7%) : marques Bulgari, TAG Heuer, Zenith, Hublot, Chaumet, Fred, Tiffany, etc. ;
- parfums et produits cosmétiques (9,6%) : parfums (marques Christian Dior, Guerlain, Loewe, Kenzo, etc.), produits de maquillage (Make Up For Ever, Guerlain, Acqua di Parma, etc.), etc. ;
- vins et spiritueux (7,7%) : champagnes (marques Moët & Chandon, Mercier, Veuve Clicquot Ponsardin, Dom Pérignon, etc. ; n° 1 mondial), vins (Cape Mentelle, Château D'Yquem, etc.), cognacs (notamment Hennessy ; n° 1 mondial), whisky (notamment Glenmorangie), etc.
Le solde du CA (21%) concerne essentiellement une activité de distribution sélective assurée au travers des chaînes Sephora, DFS et des grands magasins Le Bon Marché et La Samaritaine.
A fin 2023, la commercialisation des produits est assurée au travers d'un réseau de 6 097 magasins dans le monde.
La répartition géographique du CA est la suivante : France (7,9%), Europe (16,4%), Japon (7,3%), Asie (30,8%), Etats-Unis (25,3%) et autres (12,3%).