New York (awp/afp) - En pleine pandémie, et comme souhaité par plusieurs responsables politiques, nombre d'entreprises cotées à Wall Street ont décidé de suspendre leurs programmes de rachat d'actions. Au risque de retirer un élément moteur de la montée des indices boursiers.

En payant pour récupérer leurs propres titres, les entreprises réduisent le nombre de leurs actions sur le marché et en font mécaniquement grimper le prix.

C'est une façon de rémunérer les actionnaires et cela permet, au passage, de doper la paie des dirigeants possédant des stock-options. Cet outil financier est à cet égard régulièrement critiqué car l'argent mobilisé n'est, pendant ce temps-là, pas utilisé pour augmenter les salaires de tous les employés, investir dans de nouvelles technologies ou se constituer un coussin de sécurité.

Les sociétés américaines, Apple en tête, y ont eu beaucoup recours ces dernières années: entre 2017 et 2019, les entreprises regroupées au sein de l'indice S&P 500 ont racheté pour 2.000 milliards de dollars de leurs propres actions, l'équivalent du vaste plan de soutien à l'économie annoncé récemment par le gouvernement américain.

Mais avec la crise du Covid-19, nombre d'entre elles ont suspendu leurs programmes de rachats d'actions pour conserver des liquidités au moment où leur chiffre d'affaires dégringolent, de McDonald's à la banque JPMorgan Chase en passant par le pétrolier Chevron ou les hôtels Hilton.

Le climat politique pèse: aussi bien le président américain Donald Trump que les candidats démocrates à la Maison Blanche Joe Biden et Bernie Sanders avaient appelé à ce que certaines entreprises bénéficiant du plan d'aide du gouvernement se voient interdire de racheter leurs actions. Difficile de justifier des mesures profitant aux actionnaires au moment où les entreprises licencient en masse.

Le plan de soutien à l'économie empêche de fait à certaines entreprises recevant des prêts, comme les compagnies aériennes, de racheter leurs actions jusqu'à un an après le remboursement de l'aide financière.

Mais la suspension de nombreux programmes de rachats d'action pourrait causer encore plus d'agitation à la Bourse de New York, déjà fortement ébranlée ces dernières semaines.

Cela va "probablement conduire à une plus forte volatilité et à une valorisation moins élevée des actions", écrivaient ainsi les analystes de Goldman Sachs dans une note fin mars.

Car si les indices boursiers ont grimpé ces dernières années, c'est en grande partie grâce à ces programmes de rachats d'actions, et non aux fonds de pensions, aux assureurs, aux particuliers ou aux investisseurs spéculatifs.

Les entreprises sont en effet les seuls intervenants à avoir vraiment acquis des actions depuis la crise financière de 2008, selon le cabinet Reynolds Strategy cité dans une note par les analystes de Canaccord Genuity le 1er avril. Les autres en ont vendu à peu près autant qu'ils s'en sont procuré.

"Le seul acteur qui achète sur le marché des actions vient d'être écarté par les responsables politiques et le besoin immédiat de cash", relevaient les analystes. "Diaboliser" cet outil financier est, d'un point de vue boursier, "une mauvaise idée", estimaient-ils.

afp/rp