Cologno Monzese (awp/afp) - Mercredi se présente comme une nouvelle journée de tensions entre Vivendi et Mediaset, le groupe français entendant s'opposer au projet européen de son ancien allié italien, même s'il est certain désormais que le projet sera validé par les actionnaires réunis en assemblée générale près de Milan.

Le groupe italien, dont la famille Berlusconi est le principal actionnaire, souhaite fusionner ses activités italiennes et espagnoles au sein d'une holding de droit néerlandais, Media For Europe (MFE). Son objectif: fédérer ensuite autour de MFE d'autres grands acteurs européens de la télévision, afin de rivaliser avec les géants du web, de Netflix à YouTube.

Cette holding permettra aussi aux Berlusconi de renforcer leur contrôle sur le groupe, avec des votes triplés d'abord, puis jusqu'à multipliés par dix après un certain délai.

Mais Vivendi, deuxième actionnaire de Mediaset, n'entend pas se laisser faire. Il a d'ores et déjà annoncé qu'il voterait contre ce projet, qui aboutirait à "priver indûment" les actionnaires minoritaires comme lui de certains de leurs droits.

Pour être validée, la fusion doit être approuvée par les deux tiers du capital présent lors de l'AG extraordinaire, qui s'est ouverte à 10H00 (08H00 GMT) au siège de Mediaset, à Cologno Monzese. Et, sans aucun doute désormais, elle le sera.

Fininvest, la holding des Berlusconi, détient en effet 45,89% des droits de vote.

Vivendi, à qui la possibilité de voter avait été refusée par Mediaset lors d'une précédente AG, a obtenu gain de cause samedi devant la justice italienne et s'exprimera avec 9,99% des droits de vote.

Mais le conseil d'administration de Mediaset a annoncé mercredi matin son refus de laisser voter Simon Fiduciaria, la société fiduciaire à qui Vivendi, également actionnaire de Telecom Italia, a dû transférer quelque 20% des droits de vote pour respecter la loi sur la pluralité des médias. Le CA a argué que les actions avaient été acquises en violation de cette loi.

L'AG "est illégale" en raison du refus de laisser Simon Fiduciaria voter: "Mediaset ne tient compte ni des droits les plus élémentaires des actionnaires ni des principes de gouvernance d'entreprise, son seul objectif étant de favoriser Fininvest sans même reconnaître une prime aux actionnaires minoritaires", a réagi Vivendi dans un communiqué.

"Vivendi utilisera tous les recours juridiques possibles dans tous les pays et toutes les juridictions concernés pour contester la légalité du projet de nouvelle entité", a ajouté le groupe de Vincent Bolloré.

"Paradoxe"

"C'est un paradoxe", a commenté auprès de l'AFP Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l'université Bocconi de Milan: "Vivendi se retrouve à voter contre un projet industriel né en fait avec lui et qui reprend ses propres idées: car c'est pour cela qu'il avait scellé une alliance avec Mediaset".

En avril 2016, les deux groupes annoncent en effet la signature d'un "accord stratégique", prévoyant le rachat de la chaîne payante Mediaset Premium par Vivendi et un échange de participations à hauteur de 3,5%. Un des objectifs: lancer une plate-forme de contenus susceptible de concurrencer Netflix.

Mais en juillet 2016 Vivendi dénonce le contrat et en décembre s'empare, au terme d'un raid qualifié d'"hostile" par les Berlusconi, de 28,8% de Mediaset.

Depuis, les deux groupes sont à couteaux tirés et s'affrontent devant les tribunaux.

Le projet de Mediaset est "un projet nécessaire. Les entreprises nationales de médias ne peuvent seules survivre dans le contexte mondial actuel", note M. Carnevale Maffé.

Un moyen pour Vivendi de faire capoter le projet serait d'exercer le droit à se faire racheter ses actions. Le projet MFE serait en effet annulé si Mediaset se retrouvait à devoir rembourser au-delà de 180 millions d'euros d'actions, au prix fixé à 2,77 euros l'une.

Mais pour le géant français, la moins-value serait considérable, de l'ordre de 300 millions d'euros, puisqu'il les avait achetées 3,7 euros.

Une source proche du dossier a estimé que Vivendi, vu la perte encourue, ne le ferait pas. Même opinion de M. Carnevale Maffé: "Ce serait un geste d'orgueil, mais financièrement absolument déconseillé".

Selon le professeur, "le conflit doit être résolu par les entreprises, et non devant les tribunaux. Le conseil que l'on pourrait donner à Vivendi est de faire le gros dos, en passant d'une optique de conflit à une posture d'intelligence cynique, également dans la perspective de résultats financiers".

afp/buc