ajoute réactions de Macron et de Jérôme Bocuse

COLLONGES-AU-MONT-D'OR (awp/afp) - L'annonce était redoutée dans la capitale française de la gastronomie et elle vient de tomber presque deux ans jour pour jour après la disparition de Paul Bocuse: son restaurant mythique des bords de Saône perd sa troisième étoile, suscitant tristesse et incompréhension.

"Monsieur Paul", le "pape" français des cuisines, détenait ces trois étoiles depuis 1965 sans discontinuer.

Le patron du guide rouge, Gwendal Poullennec, s'est rendu jeudi dans l'établissement de Collonges-au-Mont-d'Or pour informer de sa décision, dix jours avant la sortie officielle de l'édition 2020, le 27 janvier.

Pour le guide, "la qualité de l'établissement demeur(e) excellente mais plus au niveau d'un trois étoiles".

"Nous avons tout à fait conscience de l'impact" de cette décision. "Maintenant, les étoiles du guide Michelin ne s'héritent pas, elles se méritent", a justifié M. Poullennec sur RTL.

La famille Bocuse et l'équipe du restaurant se sont dites "bouleversées" par cette décision, mais ont renouvellé leur engagement "à ne jamais perdre l'âme de Monsieur Paul", en dépit de l'effort de modernisation de son héritage engagé depuis plusieurs mois.

Le fils de l'illustre chef, Jérôme Bocuse a déploré sur RTL "un coup dur" dont les conséquences seront "difficile à mesurer". "Une nouvelle compétition commence, (...) on va s'acharner", a-t-il ajouté.

Même Emmanuel Macron a réagi, au micro de RTL : "Je veux avoir une pensée pour ce que représente sa famille, pour tous ceux qu'il a formés et ça ne saurait enlever la part unique de Paul Bocuse dans la gastronomie française".

"Pathétique"

Certains critiques disaient déjà bien avant le décès du chef à 91 ans en 2018 que l'Auberge du Pont de Collonges n'était plus à la hauteur. Des guides l'avaient classée dans la catégorie institution, à défaut de la noter.

Toucher au monument de la cuisine française, un an après la rétrogradation du chef savoyard Marc Veyrat - qui s'oppose vigoureusement à cette décision depuis - a aussitôt fait polémique.

La cuisine traditionnelle lyonnaise ne semble plus en odeur de sainteté chez Michelin. L'an dernier, deux autres institutions locales avaient été rétrogradées: Guy Lassausaie avait perdu sa 2e étoile et Pierre Orsi son unique étoile.

"Monsieur Paul" se définissait comme "un adepte de la cuisine traditionnelle". "J'aime le beurre, la crème, le vin" et pas "les petits pois coupés en quatre", assurait-il dans "Paul Bocuse, le Feu sacré" (Ed. Glénat - 2005).

Le maire de Lyon Gérard Collomb a exprimé son "immense déception". Georges Blanc, le chef trois étoiles de Vonnas (Ain), rival de Bocuse, s'est dit "triste pour l'équipe qui reprend le flambeau".

Rencontré par l'AFP sous une pluie de circonstance, devant l'auberge, Jean-François Mesplède, ex-directeur du Guide Michelin, a proposé "de créer une étoile d'or", hors classement dans une catégorie qui pourrait s'appeler "Incontournable".

Chez certains, l'indignation domine. "C'est dramatique, c'est pathétique", a tonné sur Europe 1 Marc Veyrat qui accuse les inspecteurs du guide de méconnaître le terroir et les produits.

Pour le critique gastronomique Périco Legasse, le guide Michelin a commis "l'irréparable". Face à la concurrence d'internet, l'édition papier "est en chute libre" et à la recherche du "buzz médiatique", a-t-il persiflé sur RTL.

"Il n'y a pas de coup de com'", lui a répondu Gwendal Poullennec qui assure que les audiences, papier comme internet, n'ont jamais été aussi bonnes.

Le site spécialisé Atabula est un des rares à saluer cette "révolution" du Michelin qu'il juge "salutaire pour la profession" après, selon lui, des décennies d'inertie.

Coup de jeune sur les plats

Les efforts de modernisation du restaurant lyonnais - "la tradition en mouvement" comme l'ont définie les équipes dirigeantes de l'institution - n'auront donc pas suffi à le maintenir au sommet.

"Les chefs ont travaillé et retravaillé les plats. Ils les ont peaufinés pendant plus d'une année, les faisant évoluer tout en conservant leur ADN, leur goût originel", expliquait récemment au quotidien régional Le Progrès le directeur général Vincent Le Roux.

La présentation du homard entier se voulait plus contemporaine, la quenelle plus légère accompagnée d'une sauce au champagne.

Le restaurant a encore étoffé son équipe avec désormais cinq meilleurs ouvriers de France (MOF).

Après d'importants travaux de rénovation et trois semaines de fermeture, le restaurant doit rouvrir le 24 janvier.

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