PARIS (awp/afp) - La France organise à partir de dimanche à Paris une série de réunions internationales sur l'avenir d'internet, qui pour beaucoup ressemble de plus en plus à un Far West sans foi ni loi.

"Internet est une révolution formidable", mais "il est menacé dans sa structure par les cyberattaques", "dans ses contenus par les propos haineux" qui y circulent, et par la tendance de certains États à "fractionner le réseau pour en contrôler le contenu", explique-t-on à l'Élysée.

Les discussions sur l'avenir du réseau mondial commenceront dès dimanche lors du Forum de la paix, organisé par la présidence de la République en complément des commémorations du 11 novembre.

Mais elles prendront véritablement leur essor lundi, avec le début à l'Unesco du Forum international sur la gouvernance de l'internet.

Paris a décidé de donner un lustre particulier à cette convention annuelle, avec un discours inaugural d'Emmanuel Macron, en présence du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

L'un des temps forts de cette convention sera la présentation lundi par la France d'un "appel de Paris" sur la cybersécurité, signé par des États, de grandes entreprises internationales comme Microsoft et des ONG.

Le manifeste reprend à son compte des principes comme celui de la non-utilisation des cyber-armes contre les civils, la non-ingérence dans les affaires électorales, ou encore la condamnation des contre-offensives informatiques par les entreprises victimes de cyber-attaques.

Les États ont déjà tenté de se mettre d'accord sur des normes internationales de comportement dans le cyberespace dans un groupe de travail spécialisé de l'ONU.

Mais les logiques de blocs opposant les États-Unis et leurs alliés à la Chine et à la Russie ont fini par faire achopper ces discussions en 2017, après des débuts prometteurs en 2013.

"Les discussions se sont arrêtées dès qu'on a commencé à aborder des questions qui n'étaient plus purement techniques", expliquait récemment un expert.

La France espère que cet "appel de Paris" va permettre de relancer les discussions internationales pour éviter l'éclatement du réseau mondial.

Aussi elle relance le Forum pour la gouvernance de l'internet, un lieu de discussions internationales mêlant acteurs publics et privés.

Course aux armements numériques

Il avait été lancé en 2006 mais était tombé en désuétude depuis.

Les discussions sur l'avenir d'internet "ne peuvent pas associer que des gouvernements", a expliqué à l'AFP Constance Bommelaer, de l'Internet society, l'ONG internationale qui est une cheville ouvrières du forum.

"Dans l'internet, toutes les couches sont détenues par des acteurs privés", souligne-t-elle.

Beaucoup des premiers bâtisseurs d'internet partagent aujourd'hui une grande désillusion sur ce qu'est devenu le réseau mondial.

"Beaucoup de choses ont mal tourné... Nous avons des +fake news+, des problèmes de respect de la vie privée, des personnes qui sont manipulées", a déclaré cette semaine à Lisbonne, Tim Berners-Lee, le physicien britannique qui est l'un des pères fondateurs de l'internet.

Les États de leur côté se sont lancés dans une course aux armements numériques.

Leurs cybersoldats cherchent des vulnérabilités dans les grands outils informatique mondiaux pour construire des cyber-armes aux effets potentiellement destructeurs.

En 2017, l'attaque informatique NotPetya, qui visait les entreprises en Ukraine et est attribuée par beaucoup à la Russie, a touché des entreprises partout dans le monde, bloquant leurs systèmes informatiques et leurs outils de production, et provoquant des pertes estimées à plusieurs milliards de dollars.

NotPetya, comme Wannacry, l'autre grande attaque informatique de 2017 attribuée à la Corée du Nord, utilisait vraisemblablement du code volé à la NSA, la toute puissante agence de renseignement électronique des États-Unis.

Mais internet, malgré les menaces qui planent sur lui, reste encore un facteur d'espoir et d'invention.

L'Hôtel de ville de Paris accueillera lundi une conférence internationale sur la manière dont le numérique peut améliorer les rapports entre citoyens et État, qu'il s'agisse de numérisation des administrations ou d'évolution du débat démocratique.

Cette thématique sera également au coeur d'un déjeuner lundi à l'Élysée autour d'Emmanuel Macron réunissant de nombreux acteurs de la "tech", sur un modèle déjà éprouvé à plusieurs reprises l'an dernier par le président français.

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