Paris (awp/afp) - La Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé mardi avoir infligé une amende de 20 millions d'euros à la banque d'affaire américaine Morgan Stanley pour "avoir manipulé le cours" de la dette française en 2015, en pleine crise de la dette grecque.

Le gendarme boursier français reproche au bureau de trading de Morgan Stanley à Londres d'avoir acheté massivement le 16 juin 2015, en l'espace de quinze minutes, des contrats à terme sur la dette française et allemande, afin de faire artificiellement grimper les cours d'obligations souveraines françaises (OAT) et belges (OLO) pour vendre ces dernières immédiatement après à un meilleur prix.

Le collège de l'AMF avait requis 25 millions d'euros d'amende, ce qui aurait été un montant record. L'amende la plus élevée avait jusqu'ici été infligée par l'AMF à Natixis AM pour, également, 20 millions d'euros.

Morgan Stanley avait réfuté "catégoriquement les allégations infondées de l'AMF", son avocat jugeant le montant "disproportionnée" et "déraisonnable".

La banque a exprimé mardi "une grande déception" et annoncé son intention de "former un recours" contre la sanction, affirmant que "les activités en cause ont été entreprises en parfaite conformité avec les pratiques du marché", et se disant "convaincue d'avoir agi dans le meilleur intérêt du marché et de ses clients".

La Commission des sanctions a estimé que les acquisitions massives par Morgan Stanley de contrats à terme sur la dette française (FOAT) "avaient pour objet d'influencer à la hausse le cours de cet instrument financier, et ce dans le but d'entraîner une hausse anormale et artificielle du cours des OAT et des OLO", les obligations souveraines française et belge, a expliqué l'AMF mardi dans un communiqué.

En effet, les contrats à terme sur les obligations d'Etat (qui permettent d'acquérir ultérieurement un titre à un montant convenu à l'avance) sont des instruments financiers étroitement corrélés aux obligations d'Etat elles-mêmes, et les cours de ces deux produits évoluent généralement dans le même sens.

En conséquence, "la Commission a considéré que ces agissements constituaient une manipulation de cours par recours à une forme de tromperie ou d'artifice, dès lors que l'acquisition de FOAT était incohérente avec la stratégie globale" du bureau de trading de la banque "et avait pour effet de donner aux autres intervenants une image biaisée de l'état du marché des instruments obligataires souverains français", poursuit le communiqué de l'AMF.

La Commission des sanctions, dont la décision remonte au 4 décembre, a donc estimé que Morgan Stanley avait délibérément "fixé à un niveau anormal et artificiel le cours du FOAT échéance septembre 2015 (...) ainsi que le cours de 14 des 17 OAT et des 8 OLO" concernées par ses transactions.

La banque aurait ainsi cherché à limiter les pertes qu'elle anticipait sur la vente de ses OAT, puisqu'elle était alors particulièrement exposée à la dette française, dans le contexte délicat de la dette grecque.

La valeur de l'OAT venait justement de fortement baisser après qu'une réunion entre Athènes et ses créanciers, quelques jours plus tôt, a relancé les rumeurs sur un risque de "Grexit".

afp/jh