Paul J. Davies

THE WALL STREET JOURNAL

Pour Swiss Re (SREN.VX), le dollar se révèle être une arme à double tranchant.

La récente dépréciation du billet vert soutient le titre du réassureur suisse, en raison de son effet sur la valeur des dividendes versés à ses actionnaires américains. Un renforcement du dollar améliorerait cependant les capacités de rémunération du groupe à plus long terme, mais mettrait aussi en péril ses objectifs de rendement des capitaux propres.

Swiss Re, qui a publié jeudi ses résultats au titre de l'exercice 2014, est le troisième réassureur mondial en termes de capitalisation boursière, après Munich Re (>> Muenchener Rueckversicherungs-Ges. AG) et Berkshire Hathaway (BRKA). Les Américains constituent le plus grand groupe d'actionnaires de Swiss Re en termes de nationalité.

Opérations de couverture

Le réassureur versera 4,25 francs suisses par action au titre de ses dividendes réguliers, 3 francs suisses supplémentaires au titre des dividendes spéciaux, et procédera à un rachat d'actions allant jusqu'à 1 milliard de francs suisses.

Avant l'abandon par la Banque nationale suisse de son cours plancher de 1,20 franc suisse pour un euro le mois dernier, le montant total versé aux actionnaires américains se serait élevé à 3,43 milliards de dollars. Avec l'appréciation de la devise helvétique observée depuis, l'enveloppe totale a augmenté de 250 millions de dollars.

Sur le long terme, le renforcement du franc devrait en revanche réduire la valeur des bénéfices réalisés dans bon nombre de zones géographiques et rapatriés en Suisse. Swiss Re génère un tiers de ses revenus aux Etats-Unis, et 25% en Asie, où une bonne partie de ses activités sont liées au dollar.

Le groupe suisse recourt à des opérations de couverture pour protéger ses revenus libellés en francs, mais son titre affichait une meilleure performance avec le repli du franc ces dernières années. Voilà qui constitue un point positif pour les investisseurs, dans la mesure où la Réserve fédérale s'oriente vers un relèvement de ses taux d'intérêt et où le dollar devrait s'apprécier.

Divergence entre Europe et Etats-Unis

Mais Swiss Re risque de voir le revers de la médaille. Le groupe vise pour 2016 et au-delà un taux de rendement des capitaux propres supérieur de 7 points de pourcentage à celui de l'obligation du Trésor américain à dix ans. Au taux d'intérêt actuel de cet emprunt, cela équivaut à 9,1%, ce qui ne semble pas exagérément ambitieux.

Les difficultés arriveront lorsque les Etats-Unis relèveront leurs taux d'intérêt, surtout si les taux en Europe et dans d'autres pays du monde restent très bas ou négatifs. Une telle situation placerait les objectifs de Swiss Re hors d'atteinte dans un contexte de morosité économique - et de faible demande dans le secteur de l'assurance - hors Etats-Unis.

Les Etats-Unis constituent le premier marché mondial de l'assurance. Une économie américaine vigoureuse sera donc toujours un avantage pour Swiss Re. Mais l'Europe représente encore près d'un tiers de l'activité du réassureur. Plus l'écart de croissance se creusera entre les deux régions, plus les relations encore cordiales entre l'action Swiss Re et le dollar risquent de se détériorer.

-Paul J. Davies, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau)

Valeurs citées dans l'article : Muenchener Rueckversicherungs-Ges. AG