(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Le coronavirus ramène la volatilité sur les marchés

* Pas de panique pour l'instant mais l'inquiétude est réelle

* L'impact sur l'économie et les Bourses difficile à mesurer

* La Fed dit prendre le problème très au sérieux

par Patrick Vignal

PARIS, 3 février (Reuters) - Les marchés financiers rêvaient tranquillement d'un rebond modéré de la croissance et envisageaient la poursuite de la longue séquence de hausse des indices boursiers quand un risque imprévu aux conséquences incertaines a fait irruption dans leur univers.

Rassurés dans un premier temps par la réactivité de la Chine face à l'apparition sur son territoire d'une nouvelle forme de coronavirus et par un bilan relativement modeste comparé au bassin de population concerné, les investisseurs ont vite exprimé des inquiétudes quant aux effets probables sur l'économie de la propagation du virus.

Après un repli marqué, les actifs risqués ont rebondi mollement par endroits vendredi dans le sillage de déclarations de l'Organisation mondiale de la santé jugées rassurantes.

L'OMS a qualifié jeudi d'urgence de santé publique de portée internationale l'épidémie qui a fait plus de 200 morts et contaminé près de 10.000 personnes en Chine selon un bilan officiel et s'est répandue dans 18 pays.

Mais elle a aussi exprimé sa confiance dans la capacité des autorités chinoises à enrayer l'épidémie et exprimé son opposition à toute restriction sur les voyages ou les échanges commerciaux avec la Chine.

Les peurs des investisseurs, à commencer par celle d'un ralentissement plus marqué de l'économie chinoise qui aurait des conséquences globales, sont cependant loin d'avoir disparu.

Les avis des analystes divergent, la plupart s'accordant à prédire un impact réel mais limité sur l'économie et les marchés.

PRISES DE BÉNÉFICES

"Pour l'instant, nous pensons que l'épidémie de coronavirus entraînera un choc bref et modéré sur la croissance mondiale mais il est peu probable qu'elle fasse dérailler l'économie au sens large en 2020", écrit dans une note David Lafferty, responsable de la stratégie de marché de Natixis Investment Managers.

"L'épidémie est peut-être une excuse pratique pour prendre des bénéfices sur des marchés qui étaient significativement survalorisés début janvier. Mais, pour l'instant, l'épidémie ne paraît pas être ce qui va porter le coup fatal à un 'bull market' vieux de 10 ans".

Un avis que partage Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique pour Saxo Bank.

"Contrairement à ce que les analystes ont dit ici et là, nous ne pensons pas que le coronavirus déclenchera un ralentissement prolongé ou une correction majeure du marché", écrit-il dans une note.

"De nombreux signes indiquent plutôt une reprise modeste de la croissance au début de 2020. Selon nous, la poussée fiscale et monétaire de la Chine et d'autres banques centrales, pour compenser l'impact macroéconomique du virus, contribuera à stimuler la reprise cette année."

Les grandes banques centrales, dont la posture extrêmement accommodante est l'un des principaux facteur de soutien aux actifs financiers, sont loin de prendre le coronavirus à la légère.

Après la décision annoncée mercredi par la Réserve fédérale de laisser sa politique monétaire inchangée, sans surprise pour les marchés, son président, Jerome Powell a qualifié l'épidémie de "problème très sérieux" que l'institution surveillait de près.

LA CROISSANCE AMÉRICAINE RALENTIT

Le lendemain, le monde apprenait que la croissance de l'économie américaine avait ralenti en 2019, à 2,3% contre 2,9% en 2018, ce qui justifie a posteriori la décision de la Fed de baisser ses taux d'intérêt à trois reprises l'an dernier.

Si la banque centrale américaine a opté pour le statu quo mercredi à l'issue de sa première réunion de l'année, les inquiétudes liées au coronavirus ont bel et bien fait remonter sur les marchés la probabilité estimée d'un assouplissement supplémentaire dans un avenir proche.

"Nous pensons que le virus laissera une marque nette sur l'économie et le marché boursier chinois au premier trimestre mais au-delà, nous ne pouvons que spéculer à ce stade", écrit dans une note DWS.

L'épidémie de Sras de 2002-2003 avait eu sur l'économie et les Bourses chinoises un impact marqué qui s'était rapidement estompé mais il faut se méfier de la comparaison avec le virus actuel, estime la société allemande de gestion d'actifs.

Sur les places financières des pays développés, les secteurs fortement exposés à la Chine comme le luxe, les transports et les ressources de base sont en première ligne et la volatilité, absente depuis bien longtemps, a fait son retour mais il ne convient pas pour l'instant de parler de panique.

L'actualité sanitaire a tout de même largement éclipsé les publications trimestrielles des entreprises qui continuent de tomber et sont mitigées. Même la sortie officielle, vendredi, du Royaume-Uni de l'Union européenne, n'a pas secoué les marchés. La période de délicates négociations qui s'ouvre entre les deux divorcés est pourtant lourde de menaces.

Les jours qui viennent apporteront leur lot d'indicateurs, dont les dernières enquêtes auprès des directeurs d'achat (PMI) sur l'activité du secteur privé en Europe, lundi et mercredi, ainsi que le rapport mensuel sur l'emploi aux Etats-Unis, vendredi.

Il y a peu de chances toutefois que le coronavirus lâche les gros titres.

(édité par Marc Angrand)