Tokyo (awp/afp) - Avec le déploiement des réseaux 5G nouvelle génération et les pressions américaines pour bannir le chinois Huawei, des petits poucets sur le marché mondial des équipements télécoms comme le japonais NEC et le sud-coréen Samsung tentent d'avancer leurs pions.

Les Etats-Unis font pression sur leurs alliés pour écarter de leurs réseaux le leader mondial Huawei, accusé par Washington d'espionner pour le compte de Pékin.

Huawei dément systématiquement ces accusations, mais l'ombre du doute et la pression américaine font réfléchir plus d'un Etat.

Dernier exemple en date, le Royaume-Uni, dont le gouvernement avait déjà annoncé limiter la part du géant chinois, qui envisage désormais de l'exclure à terme du développement de son réseau 5G de nouvelle génération.

Londres discuterait avec NEC et Samsung comme éventuelles solutions de repli, selon des informations de presse début juin, non confirmées.

Le Japon, autre allié étroit de Washington, a déjà exclu Huawei de son réseau 5G. Ce qui profite notamment à NEC, devenu le partenaire exclusif de Rakuten Mobile, le dernier opérateur arrivé sur le marché nippon des télécoms.

NEC vient aussi d'enregistrer un soutien de taille avec l'annonce jeudi de l'arrivée du géant nippon des télécoms NTT dans son capital, à hauteur de 5%, pour accélérer ensemble dans le développement de la 5G, au Japon comme à l'étranger.

En quête de crédibilité

Actuellement, Huawei et ses deux principaux concurrents, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia, se partagent 80% des réseaux télécoms commerciaux dans le monde.

"Mais un monde à trois n'est pas satisfaisant pour les opérateurs, et si on le ramène à deux ce sera encore pire", explique à l'AFP Sylvain Chevallier, spécialiste des télécoms au sein du cabinet BearingPoint.

En même temps, du côté des alternatives, le chinois ZTE est tout aussi mal vu par Washington que Huawei, tandis que NEC et Samsung peinent encore à convaincre beaucoup d'opérateurs.

Samsung, qui avait déjà raté le virage des réseaux 4G, a préféré se concentrer sur l'Amérique du Nord et certains pays d'Asie-Pacifique.

"Les opérateurs restent encore dubitatifs concernant Samsung Network, qui est bien plus avancé que NEC en termes de présence mondiale", tranche Daryl Schoolar, expert des technologies mobiles pour le cabinet de conseil Omdia.

Conscients de leurs lacunes, NEC et Samsung se sont d'ailleurs associés dans la 5G depuis 2018, notamment sur le plan commercial.

Largement méconnu du grand public, NEC est présent dans les câbles sous-marins et réseaux de fibre optique, mais surtout, via sa filiale américaine Netcracker, dans les logiciels de gestion des réseaux.

"Netcracker est très présent en Europe chez les opérateurs, ça peut être une véritable porte d'entrée pour NEC", selon Stéphane Téral, analyste en chef spécialiste des télécoms pour le cabinet LightCounting.

La brèche de l'Open RAN

Devenir un acteur mondial des réseaux mobiles représente "un sacré défi pour NEC", car au-delà de fournir des antennes, "il faut disposer de l'ensemble des fonctions support et d'ingénierie dans les régions visées et construire une relation de confiance avec les opérateurs, qui veulent être sûrs d'être accompagnés pour au moins cinq à dix ans", prévient M. Schoolar.

La virtualisation des réseaux, partie intégrante de la 5G qui donne une place prépondérante aux logiciels, favorise le développement de logiciels interopérables (appelés Open RAN), lesquels concurrencent les technologies propriétaires des trois leaders et offrent une brèche pour de nouveaux entrants.

"Nous pensons avoir un large éventail de possibilités en montrant notre écosystème ouvert aux opérateurs à mesure qu'ils prennent conscience des avantages des solutions Open RAN", estime-t-on ainsi chez NEC. Samsung fait le même pari.

Une stratégie que les Etats-Unis encouragent fortement, y voyant un moyen pour des entreprises américaines de réintégrer le marché des équipementiers réseaux.

"La virtualisation des réseaux et l'Open RAN permettent à NEC de rentrer sur ces marchés, ce qu'il n'aurait pas pu faire il y a dix ans", selon M. Chevallier.

Huawei, Ericsson et Nokia en revanche "n'ont pas trop d'intérêt à y aller trop vite", du fait de leurs positions dominantes actuelles, relève encore M. Chevallier.

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