Lausanne (awp/ats) - Une équipe internationale conduite par l'EPFL a identifié une enzyme qui pourrait déboucher sur une nouvelle piste de traitement de la maladie de Huntington. Cette enzyme est également impliquée dans d'autres maladies neurodégénératives.

La maladie de Huntington est une maladie du cerveau progressive qui entraîne des mouvements incontrôlés, des problèmes psychologiques et une perte de fonctions cognitives. Elle est causée par une mutation du gène qui code pour la protéine huntingtine, avec comme résultat la formation d'une extrémité anormalement longue d'acides aminés.

L'allongement de cette extrémité empêche la huntingtine de se plier correctement et, en conséquence, elle s'agrège à l'intérieur des neurones, finissant par les tuer, a indiqué mercredi l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) dans un communiqué.

Cette maladie affecte des centaines de milliers de personnes dans le monde et, comme il s'agit d'une maladie "autosomique dominante", il suffit que la personne possède une copie du gène muté de la huntingtine pour qu'elle développe la maladie.

Dans les milieux académiques comme dans l'industrie, des scientifiques explorent diverses approches. La stratégie la plus populaire consiste à abaisser les taux de huntingtine ou à inhiber son agrégation - ou à combiner ces deux approches.

Nouvelle enzyme

Des scientifiques travaillant dans le laboratoire de Hilal Lashuel à l'EPFL ont identifié une nouvelle enzyme qui exerce ces deux effets. Cette enzyme, appelée "TBK1", joue un rôle central dans le contrôle de la dégradation et de l'élimination de la huntingtine et elle introduit dans celle-ci des modifications chimiques qui bloquent son agrégation.

L'enzyme TBK1 est une "kinase". Dans la cellule, les kinases sont des enzymes qui ajoutent des groupes phosphates sur diverses biomolécules telles que des protéines ou l'ADN. Dans le monde de la cellule, les groupes phosphates sont des transporteurs d'énergie, de sorte que l'ajout d'un tel groupe active la molécule réceptrice.

De précédentes études ont montré que l'ajout artificiel de groupes phosphates sur la huntingtine peut l'empêcher de s'agréger et de provoquer la maladie de Huntington. "Après avoir criblé des centaines de kinases, nous avons été enthousiasmés de pouvoir identifier TBK1, car cette kinase exerçait cet effet avec une haute spécificité et une grande efficacité", indique le Pr Lashuel, cité dans le communiqué.

Il est en outre apparu que TBK1 envoie un signal à la cellule lui indiquant de dégrader et d'éliminer la huntingtine avant qu'elle ne s'agrège. Ceci abaisse globalement les taux de huntingtine, avec pour résultat une réduction de la formation d'agrégats à l'intérieur de la cellule.

Modèle animal

Les scientifiques sont ensuite passés à un modèle animal de la maladie, sur le ver C. elegans. Ce qu'ils ont trouvé a corroboré leurs précédents résultats: la surexpression de la kinase TBK1 protégeait contre la toxicité de la huntingtine mutante. Les chercheurs ont obtenu des résultats similaires dans des neurones en culture.

Par ailleurs, il a été montré que TBK1 contrôle également la dégradation et l'élimination de protéines impliquées dans d'autres maladies neurodégénératives. Des mutations de TBK1 ont été associées récemment à la sclérose latérale amyotrophique. Ces mutations entraînent une accumulation d'agrégats.

L'objectif des chercheurs est désormais de trouver de petites molécules ou des voies sur lesquelles agissent des médicaments et de les développer pour plusieurs maladies neurodégénératives, conclut l'EPFL. Des chercheurs italiens, américains, britanniques et néo-zélandais ont également contribué à ces travaux publiés dans la revue EMBO Journal.

ats/al