HONG KONG, 11 août (Reuters) - Jimmy Lai, magnat de la presse hongkongaise et figure du mouvement pro démocrate, a été remis en liberté sous caution dans la nuit de mardi à mercredi tandis que son journal, l'Apple Daily, a affiché sa volonté de poursuivre le combat.

Le propriétaire du journal, âgé de 71 ans, est sorti de détention flanqué de ses avocats.

Une foule de ses partisans l'attendaient devant le commissariat de police où il était détenu. Ils ont promis de "combattre jusqu'au bout" et de soutenir l'Apple Daily en s'engageant à "se procurer une pomme (apple) par jour". Jimmy Lai s'est engouffré dans une voiture sans faire de déclaration.

Mardi, au lendemain de la perquisition au siège du tabloïd et de l'arrestation de son propriétaire pour soupçon de collusion avec des forces étrangères, et comme un défi aux autorités, le quotidien avait publié en première page une photo du magnat de la presse, menotte aux poignets, et promis de poursuivre le combat.

"Hier ne sera pas le jour le plus sombre de l'Apple Daily car les nuisances, la répression et les arrestations ultérieures continueront de susciter en nous la peur", écrivait le journal dans cet éditorial du "jour d'après".

"Néanmoins, les prières et encouragements de nombreux lecteurs et rédacteurs nous permettent de croire que tant qu'il y aura des lecteurs, il y aura des rédacteurs, et que l'Apple Daily va certainement continuer de se battre", ajoute-t-il.

Plus de 500.000 exemplaires du journal avaient été imprimés, contre 100.000 habituellement, pour rendre compte de l'arrestation de Jimmy Lai sur la base de la nouvelle loi de sécurité nationale imposée par Pékin à la "région administrative spéciale" de Hong Kong.

"DANSER AVEC L'ENNEMI"

Jimmy Lai est pour l'instant la figure la plus importante du mouvement pro démocrate à avoir été arrêté en vertu de cette loi contestée, entrée en vigueur le 30 juin dernier pour combattre la sécession, la subversion, le terrorisme et la collusion avec des forces étrangères.

Ses détracteurs y voient une étape supplémentaire dans la reprise en main par le pouvoir central chinois de l'ancienne colonie britannique, au mépris du principe "un pays, deux systèmes" qui a présidé à sa rétrocession, en 1997.

En Chine continentale, la presse officielle a déclaré que l'arrestation de Jimmy Lai montrait ce qu'il en coûtait de "danser avec l'ennemi". "Une justice différée ne signifie pas une absence de justice", a ajouté le China Daily, publication officielle en langue anglaise, dans une tribune.

La militante pro-démocrate Agnes Chow, qui avait été elle aussi arrêtée lundi, a été libérée sous caution tard mardi soir.

Chow appartenait comme Joshua Wong au mouvement Demosisto, qui a décidé de se dissoudre avant même que la loi sur la sécurité nationale n'entre en vigueur.

"Il est tout à fait évident que le régime se sert de la loi de sécurité nationale pour étouffer les dissidents politiques", a-t-elle déclaré, qualifiant de "persécution politique" son arrestation et celle d'autres militants.

INQUIÉTUDES AMÉRICAINES

L'action de Next Digital, groupe de presse dont Lai est propriétaire et qui publie l'Apple Daily, a grimpé de 170% à l'ouverture des échanges mardi, alors que des forums en ligne pro-démocratie ont appelé les investisseurs à afficher leur soutien.

A Washington, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a qualifié Jimmy Lai de "patriote" et déclaré que son arrestation suggérait que Pékin ne changerait pas de position à l'égard de Hong Kong, un peu plus d'un mois après l'imposition de la nouvelle loi sécuritaire dans le pôle financier mondial.

"Preuve supplémentaire que le PCC (Parti communiste chinois) a éviscéré les libertés de Hong Kong et érodé les droits de sa population", a dit via Twitter le chef de la diplomatie américaine.

Dans un communiqué distinct, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche a déclaré que les Etats-Unis étaient "profondément perturbés par l'arrestation de Jimmy Lai". Robert O'Brien a ajouté que l'arrestation de Lai et d'autres activistes visait à intimider les chefs de file du mouvement pro-démocratie et de l'opposition, et de supprimer la liberté de la presse hongkongaise. (Yoyo Chow, avec Doina Chiacu à Washington version française Jean Terzian et Henri-Pierre André, édité par Nicolas Delame)