Tokyo (awp/afp) - L'année 2018-19 aura été rude pour Nissan, contraint mercredi de sabrer ses estimations de bénéfices au moment où le constructeur d'automobiles japonais tente de reprendre pied après le choc provoqué par l'affaire Ghosn.

Le partenaire du français Renault évalue désormais son bénéfice net à 319 milliards de yens (2,5 milliards d'euros) sur l'exercice achevé fin mars, alors qu'il visait 410 milliards. Il publiera ses résultats définitifs le 14 mai.

Par rapport à l'année 2017/18, la chute est vertigineuse, près de 60%, même si des éléments exceptionnels liés à la réforme fiscale américaine avaient biaisé la base de comparaison en dopant alors ses profits.

Nissan, pionnier de la technologie électrique avec sa citadine Leaf et fabricant des crossovers Rogue, Qashqai et X-Trail, pouvait se targuer de résultats plutôt florissants au cours de la dernière décennie.

Mais il accumule désormais les déconvenues: fragilisé par un scandale d'inspection de ses véhicules au Japon, il avait déjà abaissé ses prévisions en février, et ne semble pas voir le bout du tunnel.

Dans un bref communiqué, il blâme des dépenses supplémentaires aux Etats-Unis, un "environnement économique difficile" et l'impact de l'affaire Ghosn sur les ventes.

Un nouveau numéro 2

Le constructeur est dans la tourmente depuis l'arrestation en novembre de son "sauveur" déchu, Carlos Ghosn, détenu au Japon pour des malversations financières présumées.

Son incarcération, conséquence d'une enquête menée par Nissan depuis de longs mois, a déstabilisé l'alliance formée avec Renault et profondément secoué le groupe nippon, occupé à solder les comptes avec son ancien PDG et à réformer sa gouvernance.

Depuis la prison ou bien durant sa courte période de liberté sous caution, l'intéressé, qui clame son innocence, s'est à plusieurs reprises alarmé du "déclin" de Nissan, de l'absence de "vision" à la tête de l'entreprise qu'il a dirigée pendant près de 20 ans.

De nouveau inculpé lundi, il est actuellement dans l'attente d'une décision du tribunal de Tokyo sur sa requête de libération sous caution.

L'affaire a provoqué le départ de deux proches haut placés du grand patron.

La direction a par ailleurs été renforcée avec l'annonce mardi soir de la promotion au poste de numéro deux de Yasuhiro Yamauchi, 63 ans, qui passe de "directeur de la compétitivité" (COO) à "directeur des opérations".

Fusion en projet ?

Sur le front opérationnel, le groupe nippon a par ailleurs engagé un virage stratégique par rapport à l'ère Ghosn marquée par une course aux volumes, en particulier aux Etats-Unis, un de ses premiers marchés, pour se concentrer davantage sur l'image de la marque.

Dans cette optique, "il a mis en place une campagne d'extension de garantie" sur certains véhicules, initiative qui coûte cher et explique en partie les mauvaises performances.

Le bénéfice d'exploitation est aussi en berne: il devrait s'établir autour de 318 milliards de yens, contre une précédente prévision de 450 milliards.

Le chiffre d'affaires a mieux résisté: il est attendu à 11.574 milliards de yens (92,6 milliards d'euros), comparé à une prévision de 11.600 milliards, pour 5,5 millions de véhicules écoulés sur la période d'avril 2018 à mars 2019.

Pendant ce temps, le scénario de fusion avec Renault a refait surface cette semaine dans les médias japonais. Selon le quotidien économique Nikkei, citant des sources proches du dossier, Renault a fait à Nissan une nouvelle proposition à l'occasion du premier conseil opérationnel de l'alliance, le 12 avril à Paris.

Cette initiative, si elle est vraie, "va accentuer les tensions" au sein de l'alliance au subtil équilibre, prédit le Nikkei, alors que le constructeur japonais est très attaché à son autonomie.

Ces informations viennent en outre en contradiction avec les propos d'apaisement du président de Renault, Jean-Dominique Senard, le nouveau pilote du partenariat, qui avait écarté l'idée à ce stade d'une fusion.

Si l'affaire Ghosn a aussi rejailli au niveau politique, de ce côté aussi on veut préserver une image d'union qu'illustre le message d'"attachement" à l'alliance Renault-Nissan adressé mardi par le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre japonais Shinzo Abe, en visite à Paris.

Renault détient 43% de Nissan qui en retour possède 15% de Renault, mais sans droit de vote, une répartition qui apparaît déséquilibrée aux yeux des Japonais.

afp/fr