Nissan, qui a fait éclater le scandale en dénonçant les agissements supposés de son ex-président, n'est pas épargné et a aussi été mis en examen pour publication de fausses déclarations financières.

Accusé de n'avoir déclaré que la moitié de sa rémunération d'environ 10 milliards de yens (78 millions d'euros) de 2010 à 2015, Carlos Ghosn a été arrêté au Japon le 19 novembre. Après 22 jours de détention, le parquet devait ce lundi soit l'inculper soit le relâcher.

Il l'a inculpé et placé de nouveau officiellement en état d'arrestation en enquêtant désormais sur ses déclarations de revenus des trois derniers exercices fiscaux jusqu'au 31 mars 2018.

Nissan, qui l'a évincé de sa présidence après sa première arrestation, affirme que Carlos Ghosn a lui-même orchestré cette fraude avec l'aide d'un autre administrateur, Greg Kelly, lui aussi inculpé.

Ni Carlos Ghosn ni Greg Kelly n'ont effectué la moindre déclaration publique par le biais de leurs avocats. D'après les médias japonais, les deux hommes démentent les accusations à leur encontre.

Le cabinet du défenseur de Carlos Ghosn, Motonari Otsuru, n'a pas répondu aux appels de Reuters.

Après l'annonce de son inculpation, Nissan a dit avoir conscience de la gravité des accusations.

"Effectuer de fausses déclarations dans les avis boursiers annuels nuit grandement à l'intégrité des déclarations publiques de Nissan auprès des marchés et l'entreprise exprime ses plus profonds regrets", déclare le constructeur automobile dans un communiqué.

BATAILLE AUTOUR D'UN APPARTEMENT À RIO DE JANEIRO

L'autorité japonaise des marchés financiers a précisé que Nissan était passible d'une amende de 700 millions de yens (5,44 millions d'euros).

Aux yeux d'analystes et d'experts juridiques, il sera difficile pour Nissan et pour son directeur général Hiroto Saikawa de sortir parfaitement indemnes de ce scandale. Selon eux, il risque d'apparaître soit que d'autres dirigeants avaient connaissance des faits reprochés à Carlos Ghosn, soit que les procédures de contrôle interne ont été défaillantes.

"Subitement, la question du directeur général Saikawa prend de l'ampleur. Il devient difficile d'ignorer le rôle de Saikawa dans tout ça. C'est désormais au centre du dossier", pense l'avocat et ancien procureur Nobuo Gohara.

Parallèlement à ces décisions de justice, Nissan poursuit son offensive contre Carlos Ghosn, qui, jusqu'à son arrestation, était admiré au Japon pour avoir sauvé le constructeur de la faillite au début des années 2000.

Le constructeur a annoncé dimanche qu'il souhaitait empêcher l'accès de représentants de Carlos Ghosn à un appartement situé à Rio de Janeiro en évoquant un risque de destruction de preuves.

Un tribunal brésilien a autorisé Carlos Ghosn à avoir accès à cette propriété appartenant à Nissan dans le quartier de Copacabana mais le constructeur a annoncé qu'il allait faire appel auprès d'une juridiction supérieure.

Outre ses déclarations de revenus, Nissan accuse Carlos Ghosn d'avoir détourné à des fins personnelles des fonds de l'entreprise.

S'il ne dit rien quant à la possibilité que d'autres dirigeants aient pu avoir connaissance ou être impliqués dans les faits reprochés à Carlos Ghosn, le constructeur admet la nécessité d'améliorer sa gouvernance.

CONSEIL DE RENAULT JEUDI

L'arrestation de Carlos Ghosn et sa révocation par Nissan mettent à mal l'alliance avec Renault, actionnaire à 43% du constructeur japonais.

Le groupe au losange n'est pas allé, quant à lui, jusqu'à démettre son PDG de ses fonctions, optant pour une direction intérimaire et attendant que Nissan lui donne accès aux éléments de son enquête interne qui ont conduit à l'arrestation du 19 novembre.

Mais l'annonce de l'inculpation semble fragiliser cette position dans l'esprit des syndicats de Renault, qui comptent quatre représentants au conseil d'administration. Avant même l'annonce de lundi, la CGT avait critiqué le directeur général adjoint Thierry Bolloré pour avoir promis le soutien inconditionnel des salariés à Carlos Ghosn.

"La situation ne peut continuer ainsi", a ajouté lundi le responsable d'un autre syndicat. "Sauf changement, M. Ghosn doit être officiellement démis de ses fonctions pour que Renault puisse passer à autre chose."

L'issue dépendra en grande partie de la position de l'Etat français, principal actionnaire du constructeur, jeudi, date du prochain conseil d'administration de Renault.

Le ministère de l'Economie et des Finances a refusé de faire un commentaire.

(Avec Kiyoshi Takenaka, Chang-Ran Kim, Malcolm Foster, Chris Gallagher et Laurence Frost, Bertrand Boucey et Gilles Guillaume pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)

par Kiyoshi Takenaka