TOKYO (awp/afp) - Les actionnaires de Nissan se réunissent lundi pour voter la révocation du mandat d'administrateur de Carlos Ghosn, déjà limogé en novembre de la présidence après son arrestation pour des malversations présumées mises au jour par le groupe japonais et de nouveau incarcéré depuis jeudi.

A l'ordre du jour de cette assemblée générale extraordinaire, trois sujets: le renvoi de M. Ghosn, celui de son ex-bras droit Greg Kelly, inculpé sur un volet de l'affaire, et l'élection comme membre du conseil d'administration du président de Renault, Jean-Dominique Senard, qui sera présent.

La direction du groupe s'était empressée de destituer M. Ghosn en tant que président du conseil d'administration juste après son arrestation initiale le 19 novembre, mais il faut l'aval des actionnaires pour le démettre de son poste d'administrateur.

La réunion doit débuter à 10h00 (01h00 GMT) dans un grand hôtel de la capitale japonaise, quelques jours après une nouvelle interpellation de l'ex-PDG de Renault-Nissan par les enquêteurs du parquet de Tokyo, où il se trouvait assigné à résidence.

La séance ne sera donc "pas perturbée par M. Ghosn, qui a été réduit au silence", alors qu'il avait annoncé une conférence de presse pour le 11 avril, a commenté pour l'AFP Takaki Nakanishi, analyste du secteur basé à Tokyo.

"C'est une bonne nouvelle pour Nissan qui peut se concentrer sur la réforme de sa gouvernance", dit-il, même si l'ambiance est loin d'être sereine au sein du constructeur d'automobiles japonais, accaparé par l'enquête interne qu'il mène depuis l'été 2018 sur son ancien PDG.

Avant d'être renvoyé dans la prison du quartier de Kosuge (nord de Tokyo) où il avait déjà passé plus de 100 jours, M. Ghosn n'a pas épargné Nissan.

Il s'est redit victime d'un "complot" orchestré par des dirigeants du groupe nippon qui voulaient, selon lui, empêcher un projet d'intégration plus poussée avec Renault.

"L'autre partie (de l'explication), c'est la détérioration de la performance de Nissan depuis deux ans", a souligné le magnat déchu de 65 ans lors d'un entretien accordé mercredi à une télévision française.

"Je suis très préoccupé par la performance et l'avenir de Nissan", insiste-t-il, attribuant la responsabilité de la dégradation au dauphin qu'il avait lui-même choisi, Hiroto Saikawa, quand il s'était retiré de la direction exécutive en avril 2017.

Alliance consensuelle

Nissan, qui a longtemps mis Carlos Ghosn sur un piédestal pour l'avoir sauvé de la faillite, le voue désormais aux gémonies, le présentant comme un dictateur qui ne souffrait aucune objection.

Qu'une histoire de 20 ans se termine aussi brutalement, "c'est regrettable", reconnaît-on de source proche de Nissan. "Il reste respecté pour ce qu'il a fait à la tête du groupe, mais on ne peut fermer les yeux devant les fautes qu'il a commises".

L'ancien grand patron, déjà inculpé à trois reprises, est actuellement en garde à vue, jusqu'au 14 avril au moins, sur des soupçons de détournement de fonds de Nissan.

Son épouse a, elle, quitté le Japon où les procureurs voulaient l'interroger, selon des médias locaux.

Le constructeur français Renault a également transmis des éléments lui paraissant suspects à la justice française.

L'assemblée générale de lundi sera l'occasion pour les deux alliés d'afficher devant les actionnaires leur entente retrouvée après des semaines de discorde, l'affaire Ghosn ayant réveillé des rancoeurs au sein de Nissan.

Sous la houlette de M. Senard, l'alliance a déjà décidé de faire table rase de la structure passée, jugée opaque, et mis en place le 12 mars un conseil opérationnel censé fonctionner sur la base du consensus entre ses trois membres, Renault, Nissan et Mitsubishi Motors.

Cette nouvelle instance tripartite doit se réunir pour la première fois ce vendredi à Paris.

Là aussi, Carlos Ghosn a fait entendre sa musique: "l'alliance, ce sont des gens qui se parlent et prennent des décisions qui sont de temps à temps difficiles (...) Si on dit +tout est consensuel+, je crains que cette alliance s'éteigne très très vite", a-t-il averti.

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