Tokyo (awp/afp) - Le comité désigné par Nissan pour corriger une gouvernance jugée défaillante à la lumière de l'affaire Ghosn rend sa copie mercredi, jour des 20 ans de l'alliance formée avec Renault. Objectif: empêcher la concentration des pouvoirs.

Les recommandations ont déjà filtré ces derniers jours dans la presse.

Carlos Ghosn, actuellement assigné à résidence à Tokyo dans l'attente de son procès, est accusé par le groupe automobile japonais d'avoir agi à sa guise et utiliser à son profit les biens de l'entreprise, pour s'offrir des revenus confortables, des avantages en nature ou de luxueuses résidences.

Le dirigeant, venu à la rescousse de Nissan en 1999, en était devenu le PDG deux ans plus tard, un poste qu'il a occupé jusqu'à 2017 pour n'en garder ensuite que la présidence du conseil d'administration.

Ce long règne sans partage est montré du doigt par le comité comme étant responsable de l'affaire qui a fait tomber M. Ghosn et vaciller Nissan.

"Une concentration excessive d'autorité dans les mains d'une seule personne, c'est ce qui a mené à cette situation. Pourquoi les actes de M. Ghosn n'ont-ils pas été stoppés sur une aussi longue période ?", avait souligné son co-président Seiichiro Nishioka, à l'issue de la première des quatre réunions de l'instance.

"Protéger Nissan"

Les membres du comité (les trois administrateurs externes de Nissan, et quatre experts indépendants) vont donc tout simplement proposer que le constructeur se passe de président pour le moment, rapportait mercredi l'agence de presse Kyodo, citant des sources anonymes.

A la place, un administrateur externe serait chargé de diriger les réunions du conseil, où les membres indépendants deviendraient majoritaires.

Le quotidien économique Nikkei avait avancé à la mi-mars le nom de Sadayuki Sakakibara, 76 ans, celui-là même qui co-dirige le comité de gouvernance, pour remplir ce rôle.

Or cet ex-patron des patrons "a un bilan vraiment peu glorieux en termes de gouvernance", estime auprès de l'AFP Zuhair Khan, analyste de Jefferies, qui dénonce depuis longtemps les dysfonctionnements de Nissan.

Ancien président de l'entreprise spécialiste des textiles Toray et de la fédération patronale Keidanren, "il ne s'est certainement pas montré exemplaire" dans ces deux organisations, dit-il. Et de rappeler qu'il s'était opposé à la réforme du code de gouvernance des sociétés japonaises, sur la nomination d'un tiers d'administrateurs extérieurs et la présence d'au moins une femme.

"On dirait que la vieille Japan Inc essaie de protéger Nissan et ses dirigeants, plutôt que d'améliorer sa gouvernance", relève M. Khan.

De même est-il sceptique sur la volonté de Nissan de nommer "des administrateurs rééllement indépendants". Parmi les trois membres actuels, "l'un est un ancien de Renault, quant aux deux autres, c'est une ex-pilote de course et un bureaucrate à la retraite". "Il faut qu'ils aient une expérience solide dans le milieu des affaires", juge l'analyste.

Il salue en revanche la probable mise en place de comités distincts (nominations, audit et rémunérations), pour plus de transparence, "la norme à l'étranger".

Responsabilité de Saikawa

Quant au patron exécutif Hitoro Saikawa, le comité ne devrait pas proposer son départ même si des questions se posent sur sa responsabilité dans le scandale.

Dauphin de Carlos Ghosn, il a affirmé n'avoir été mis au courant qu'à l'automne 2018 des agissements pour lesquels le Franco-Libanais-Brésilien a été inculpé par la justice japonaise: minoration de déclarations de revenus aux autorités boursières et abus de confiance.

Le soir-même de l'arrestation du puissant patron, le 19 novembre, il avait surpris par la virulence de son ton, dénonçant "le côté obscur de l'ère Ghosn". Mais, selon une source proche du dossier, M. Saikawa avait eu connaissance bien avant de certains faits aujourd'hui dénoncés.

Il avait ainsi signé en 2012 un accord mentionnant le versement à M. Ghosn d'une somme de 40 millions de dollars après sa retraite, ainsi que d'une rétribution variable chaque année. Le document cite aussi la mise à disposition de logements à Beyrouth, Paris et Rio, et l'utilisation de jets privés.

Nissan s'est refusé à tout commentaire.

Sur le front de l'alliance, des rumeurs de projet de fusion ont refait surface mercredi dans la presses.

Renault veut reprendre "dans les 12 mois à venir" les discussions avortées de fusion avec son partenaire Nissan, avant de jeter son dévolu sur un autre constructeur, possiblement Fiat Chrysler, selon le Financial Times.

afp/buc