Renault a déclaré jeudi que ses résultats du premier semestre, marqués par la plus lourde perte de son histoire sous l'effet conjugué des difficultés de son partenaire Nissan, de l'épidémie de coronavirus et de la restructuration de ses propres activités, étaient pour lui un "coup de semonce".

Le groupe au losange a accusé une perte nette, part du groupe, de 7,292 milliards d'euros, alors qu'il affichait l'an passé à pareille époque un bénéfice net de 790 millions.

Sur l'ensemble de 2019, il avait déjà accusé une légère perte de 141 millions, sa première en dix ans.

"Les résultats d'aujourd'hui vont être un coup de semonce perturbant", a dit Luca de Meo, nouveau directeur général du constructeur français venu de la marque espagnole Seat du groupe Volkswagen.

"Nous sommes actuellement en train de toucher le fond d'une courbe négative qui remonte à plusieurs années, et probablement plus loin encore", a-t-il ajouté.

Vers 10h45, l'action perd 2,6% à 23,36 euros à la Bourse de Paris.

"Le premier semestre est peut-être un point bas, mais beaucoup de choses restent à prouver", commente Philippe Houchois, analyste chez Jefferies, dans une note.

L'arrêt de la production automobile et des ventes provoqué par le coranavirus a ébranlé toute l'industrie mondiale mais il est venu, dans le cas de Renault, s'ajouter à des faiblesses structurelles déjà présentes.

Les pertes de Nissan ont ainsi représenté 4,8 milliards d'euros sur le semestre, alors que la contribution du partenaire japonais a longtemps été une des recettes du succès du groupe au losange.

L'impact opérationnel du seul Covid est estimé quant à lui à 1,8 milliard sur la période écoulée. La perte d'exploitation a ainsi atteint deux milliards en incluant également 319 millions liés au plan de départs lancé en France et à la brusque sortie du marché chinois.

LA VALEUR DOIT PRIMER SUR LES VOLUMES

Afin de renouer avec une croissance rentable, Renault a engagé un plan drastique d'économies de deux milliards d'euros sur trois ans et compte ramener à 3,3 milliards sa capacité de production mondiale, tournant le dos à l'ambitieuse stratégie de volume portée par l'ancien PDG Carlos Ghosn, tombé en disgrâce à l'automne 2018.

Luca de Meo a souligné que les temps avaient changé et qu'il était vital aujourd'hui de privilégier la création de valeur par rapport aux volumes, notamment en partant à la reconquête du coeur du marché européen, le segment des voitures compactes, occupé par les très rentables Golf et Peugeot 3008.

Cet effort signifie que le groupe investira moins que par le passé sur des marchés émergents comme l'Amérique latine tant que les perspectives de rebond post-COVID n'y apparaîtront pas plus clairement.

Renault compte exploiter au maximum les synergies offertes par quatre ou cinq projets communs à l'alliance avec Nissan et Mitsubishi, jugée plus vitale que jamais par les temps qui courent.

L'ensemble de cette stratégie sera présentée d'ici janvier 2021. La directrice générale adjointe Clotilde Delbos a bon espoir que le plan sera suffisamment convaincant pour éviter un abaissement crédit de la division bancaire du groupe, RCI Bank.

Le groupe au losange emboîte ainsi le pas à PSA, devenu une référence dans l'industrie alors qu'il a frôlé la faillite en 2012, et dont Luca de Meo a salué jeudi la performance.

L'autre constructeur automobile français est parvenu à maintenir un résultat positif au premier semestre grâce à l'abaissement drastique de son point mort, mouvement engagé après avoir frôlé la faillite en 2012 et qui lui permet de générer du cash dès qu'il atteint la moitié seulement du niveau de ses ventes en temps normal.

Du coup, l'ultradépendance de PSA à l'Europe, après l'échec de l'aventure chinoise et le rachat d'Opel et en attendant le mariage avec FCA, ne constitue pas encore aujourd'hui un handicap alors que l'internationalisation précoce de Renault, longtemps son point fort, est devenu l'un de ses talons d'Achille.

(Gilles Guillaume, édité par Jean-Stéphane Brosse)

par Gilles Guillaume et Christian Lowe