Pékin (awp/afp) - L'activité en Chine reprend progressivement après plus d'un mois de paralysie. Mais les conséquences du Covid-19 pèseront longuement sur les entreprises, plombées par une faible demande intérieure et des exportations au plus bas, préviennent des experts.

En février, l'économie chinoise a été pratiquement paralysée par les mesures anti-épidémie. Depuis, les entreprises peinent à redémarrer, même si de grandes villes, à l'image de Pékin et Shanghai, retrouvent ces derniers jours un peu de vigueur. "La reprise est en bonne voie", assure à l'AFP l'économiste de la banque Mizuho, Ken Cheung, qui prévoit un quasi retour à la normale "fin mars si la Chine parvient à maîtriser la propagation du virus".

Le géant asiatique enregistre ces dernières semaines une forte baisse des cas d'infection, en contraste avec la flambée épidémique constatée ailleurs dans le monde, particulièrement en Europe. Mais ce qui a été perdu en termes de consommation "ne sera pas rattrapé", prévient Mary-Françoise Renard, de l'Institut de Recherche sur l'Economie de la Chine (Idrec) à Clermont-Ferrand.

D'autant que la paralysie du pays a lourdement pesé sur le porte-monnaie des Chinois qui, tétanisés par le virus, sont restés par millions terrés chez eux sans travailler. Le principal indicateur de la consommation en Chine - les ventes de détail - s'est effondré (-20,5%) sur les deux premiers mois de l'année cumulés. Et ce, alors que le Nouvel An chinois, qui tombe à une date variable en janvier ou février, est traditionnellement propice aux dépenses.

Coup de pouce et bons d'achat

Autre illustration: les ventes de voitures particulières ont connu en février une sérieuse déconvenue sur le premier marché mondial (-78,4% sur un an). Pékin pourrait donc prendre des mesures pour favoriser la consommation intérieure, veut croire Ken Cheung.

Un coup de pouce nécessaire "car en période de crise on n'est pas incité à consommer", précise à l'AFP Mary-Françoise Renard. Au niveau local, la ville de Nankin s'apprête ainsi à distribuer en bons d'achat l'équivalent de 318 millions de yuans (40,7 millions d'euros), selon l'agence officielle Chine nouvelle.

Cependant, "il faudra du temps pour que les consommateurs chinois retrouvent confiance et s'aventurent de nouveau dans les restaurants, lieux de divertissement et centres commerciaux", prévient l'analyste Rajiv Biswas, du cabinet IHS Markit. Mais le gouvernement central presse les entreprises de redémarrer leur activité.

"La légitimité du Parti communiste repose sur sa capacité à produire des résultats économiques", rappelle Larry Ong, du cabinet SinoInsider. Car si l'épidémie perdure, "c'est la survie du régime qui sera menacée", croit-il savoir.

"Personne à qui vendre"

Le retour au travail de millions d'employés confinés risque cependant de provoquer une "seconde vague" de contaminations, s'inquiète l'économiste Ting Lu, de la banque Nomura. Et Pékin se heurte parfois à la réticence des gouvernements locaux prudents sur le plan sanitaire.

Selon le journal économique Caixin, certaines provinces auraient ainsi demandé aux usines de tourner à vide pour atteindre les objectifs fixés par les autorités centrales. L'activité a repris à plus de 90% en dehors de la province du Hubei - la plus touchée par le virus - a assuré mardi la puissante commission de planification.

Mais "les entreprises ne tourneront pas à plein régime si elles n'ont personne à qui vendre leurs produits", fait remarquer dans une note le cabinet Trivium China, spécialisé dans l'économie. En janvier-février, les exportations de la Chine - le moteur de son économie - ont connu un repli de 17,2% sur un an. Et un rebond semble peu probable au moment où l'Europe et les Etats-Unis, principaux partenaires commerciaux de Pékin, affrontent désormais de plein fouet l'épidémie de Covid-19.

Les entreprises chinoises doivent également jongler avec des contraintes plus strictes en matière sanitaire et des restrictions de transport dans le monde. Cela entraînera "des coûts supplémentaires", prévient Rajiv Biswas, notamment pour les exportateurs chinois déjà fragilisés l'an dernier par l'impact de la guerre commerciale avec Washington.

afp/vj