Zurich (awp) - Les autorités américaines ont accusé Novartis de lui avoir sciemment transmis, dans le cadre de l'approbation de la thérapie génique Zolgensma, des données manipulées. Le géant pharmaceutique a rejeté la responsabilité sur quelques salariés de sa filiale Avexis, mais selon certains analystes cette affaire pourrait lui coûter cher.

"Nous sommes en train de nous séparer des salariés incriminés", a dit le directeur général Vasant Narasimhan mercredi lors d'une conférence téléphonique, ajoutant ne pas s'attendre à ce que d'autres collaborateurs aient participé à ces actes.

L'agence américaine du médicament (FDA) a précisé mardi conserver toute sa confiance dans le médicament, un traitement de l'amyotrophie spinale (AMS), maladie neurodégénérative grave. Mais elle envisage de porter l'affaire en justice, car le groupe pharmaceutique rhénan était au courant du problème avant de recevoir le feu vert à sa commercialisation, fin mai.

"L'agence utilisera toute son autorité pour, si cela est approprié, prendre des mesures pouvant inclure des amendes au civil et au pénal", a affirmé la FDA dans un communiqué.

Les statistiques en question se rapportent à des tests menés sur des animaux au début du développement du médicament et sont très limitées.

C'est seulement après avoir obtenu l'autorisation de la FDA de mise sur le marché américain, fin juin, que Novartis a informé l'agence du médicament "d'un problème portant sur une manipulation de données pouvant affecter la justesse de certaines données relatives" à ces tests, a expliqué l'agence.

"L'ensemble des éléments démontrant l'efficacité et l'innocuité du produit continuent de fournir des preuves irréfutables à l'appui d'un profil avantages-risques globalement favorable", a néanmoins souligné la FDA.

M. Narasimhan a expliqué que le groupe avait d'abord dû lancer une enquête interne sur la manipulation supposée de données de tests sur des animaux déposées par Avexis, ce qui a pris du temps.

Le groupe bâlois a rappelé dans un communiqué que le Zolgensma restait toujours indiqué pour les enfants de moins de deux ans atteints d'amyotrophie spinale, vu "la qualité, la sécurité et l'efficacité" de cette thérapie génique en une seule prise.

Novartis a expliqué que les données altérées n'ont représenté qu'une "petite portion" de l'ensemble des documents soumis pour la certification du médicament auprès de la FDA.

Le groupe promet "coopération" et "transparence" avec les autorités règlementaires et s'engage à "prendre les mesures appropriées pour prévenir de futurs incidents dans les études en développement".

Risques de coûts élevés

Homologué fin mai aux Etats-Unis, cette thérapie génique d'un coût de 2 millions de dollars doit encore recevoir le feu vert des autorités dans l'Union européenne et au Japon.

Novartis a reçu de Bruxelles une longue liste de questions. Vu le temps nécessaire pour apporter les réponses, l'Agence européenne des médicaments (EMA) ne va plus procéder à un examen accéléré de la demande de mise sur le marché. Le feu vert de Bruxelles est néanmoins toujours attendu en fin d'année.

Le Zolgensma, traitement curatif, se présente sous la forme d'une perfusion unique et est conçu pour combattre l'origine monogénique de l'amyotrophie spinale en substituant le gène primaire SMN1 défectueux ou manquant. L'opération doit permettre d'éviter une détérioration des fonctions musculaires.

Cette affaire a jeté un froid parmi les investisseurs, qui se sont défaits du titre. L'action Novartis a terminé la séance en chute de 2,9% à 86,10 francs suisses, entraînant à la baisse l'indice vedette SMI (-0,2%).

Les analystes de Vontobel ont pourtant relativisé cette affaire, estimant qu'elle allait surtout avoir un impact sur la réputation du groupe et non sur son activité. La banque zurichoise a rappelé que Novartis a souffert ces dernières années de plusieurs affaires, notamment celle concernant des versements à une société liée à un avocat sulfureux de Donald Trump ou des accusations de corruption.

La Banque cantonale de Zurich (ZKB) a pour sa part averti dans un commentaire que Novartis pourrait faire face à des coûts élevés aux Etats-Unis si les faits reprochés venaient à s'avérer.

al/afp/rp