MÅLØV (awp/afp) - C'est une petite pilule d'apparence banale, blanche et ovale. Mais elle pourrait "entrer dans l'histoire" de la lutte contre le diabète, affirme le PDG du groupe biopharmaceutique qui la développe actuellement, le danois Novo Nordisk, leader mondial du secteur.

Sa molécule, le semaglutide, fait partie d'une classe de nouveaux antidiabétiques biologiques particulièrement efficaces, apparus sur le marché mondial depuis 2005, les analogues de l'hormone intestinale GLP-1.

Indiqués pour les diabétiques de type 2, ces traitements font non seulement baisser le taux de glycémie en stimulant la sécrétion naturelle d'insuline, mais favorisent aussi la perte de poids en provoquant un sentiment de satiété. Par ailleurs, une réduction des risques cardiovasculaires a parfois été observée.

En raison de ces vertus, qui permettent de retarder de quelques années le début de la prise d'insuline, les analogues du GLP-1 sont actuellement le segment le plus dynamique du marché mondial du diabète, avec une croissance annuelle de plus de 20%.

Mais pour l'heure, tous les produits existants dans cette catégorie s'administrent par voie sous-cutanée, un frein sérieux à leur usage.

"Les patients n'aiment pas les injections, qui les font se sentir stigmatisés. Ils veulent des comprimés", souligne Mads Krogsgaard Thomsen, patron de la recherche-développement chez Novo Nordisk, lors d'une rencontre avec la presse sur le principal campus scientifique du groupe à Måløv, près de Copenhague.

- "Les gens pensaient que nous étions fous" -

"Nous allons entrer dans l'histoire" avec le semaglutide oral, claironne Lars Fruergaard Jørgensen, le PDG du groupe. "Si nous avons un comprimé qui fonctionne aussi bien que les traitements injectables actuels, cela pourrait changer complètement la donne."

"Quand nous avions commencé nos recherches sur un GLP-1 oral, les gens pensaient que nous étions fous", se remémore M. Thomsen avec une pointe de fierté.

Jusqu'à présent, toutes les tentatives d'administrer ce genre de traitements par voie digestive avaient échoué, leurs protéines étant immédiatement détruites par le suc gastrique avant de pouvoir agir.

La parade de Novo Nordisk: entourer ces protéines thérapeutiques d'un "transporteur" protecteur, une molécule de synthèse appelée SNAC, dénuée d'effet pharmacologique, "absorbée à 100% par l'organisme et disparaissant en une heure", selon M. Thomsen.

Des cas de nausées ont été relevés chez certains patients lors des essais cliniques, mais "ces effets se sont révélés inférieurs à ceux des traitements par injection", ajoute-t-il.

Publiés fin février, les résultats d'un premier essai clinique de phase III sur le semaglutide oral "semblent démontrer une efficacité supérieure" à des antidiabétiques oraux de classes différentes, comme Jardiance du groupe américain Eli Lilly et Januvia de Merck and Co, déclare à l'AFP Andrew Carlsen, analyste de la banque d'investissement norvégienne ABG Sundal Collier.

Cependant "ces résultats doivent être confirmés", précise l'analyste. Pas moins de 9 autres essais de phase III sur ce médicament innovant sont encore en cours.

- A quand une insuline orale? -

Cela n'empêche pas les analystes de se risquer à des pronostics sur ses ventes futures, parfois très optimistes: ceux de Deutsche Bank prédisent jusqu'à 5 milliards de dollars de recettes annuelles pour ce produit.

Le consensus d'analystes est toutefois plus prudent, s'attendant à quelque 1,7 milliard de dollars de ventes annuelles à horizon 2023, selon M. Carlsen d'ABG.

Novo Nordisk, qui compte lancer ce produit sur le marché en 2020, a déjà misé gros dessus: il investit 2 milliards de dollars sur la période 2015-2020 pour bâtir deux unités de production du semaglutide oral, l'un sur son usine de Clayton en Caroline du Nord (sud-est des Etats-Unis) et l'autre à Måløv.

Après un GLP-1 oral, verra-t-on un jour arriver une insuline orale, décrite par M. Thomsen comme "le Graal" pour traiter plus facilement le diabète? De nombreux groupes pharmaceutiques et biotechs y travaillent, et Novo Nordisk également.

Cependant, le mécanisme transporteur qui semble fonctionner pour son GLP-1 oral "n'est pas assez robuste pour de l'insuline", selon M. Thomsen.

Le groupe danois travaille notamment avec le MIT de Boston pour mettre au point un autre micro-dispositif capable de protéger l'insuline dans l'estomac. Mais son développement devrait encore nécessiter "au moins dix ans", estime le chercheur.

afp/lk