PARIS, 5 juillet (Reuters) - Le ministère public a requis vendredi un an de prison ferme contre trois anciens dirigeants de France Télécom, devenue Orange en 2013, pour harcèlement moral lors d'un plan de réduction massive des effectifs, soupçonné d'être à l'origine d'une vague de suicides entre avril 2008 et juin 2010.

Il s'agit de l'ancien PDG Didier Lombard, 77 ans, et de son ancien directeur des ressources humaines Olivier Barberot, 64 ans, et de l'ancien directeur des opérations France, Louis-Pierre Wenes, 70 ans, également condamnés à 15.000 euros d'amende.

Quatre autres anciens dirigeants étaient également jugés pour complicité de harcèlement moral. Le ministère public a demandé des peines de huit mois de prison ferme et 10.000 euros d'amende à leur encontre, ainsi qu'une amende de 75.000 euros à l'encontre de France Télécom en tant que personne morale.

"Les peines encourues à l'époque sont tellement faibles qu'il faut demander le maximum", a déclaré l'une des deux procureures, Brigitte Pesquié, qui a aussi demandé la publication du jugement.

Ce procès est celui du "crash plan" mis en oeuvre par l'opérateur historique français de télécommunications en 2006-2010 pour réduire en trois ans ses effectifs de 22.000 personnes et en transférer 10.000 autres.

L'accusation reproche à France Télécom et à ces anciens dirigeants d'avoir instauré une politique visant par toutes sortes de moyens à déstabiliser les salariés afin de les contraindre à partir.

L'ordonnance de renvoi en correctionnelle a retenu le cas de 39 victimes, dont 18 suicides et 13 tentatives en deux ans.

L'autre procureure, Françoise Benezech, a rappelé que les managers de France Télécom étaient notamment formés à l'époque à "l'utilisation de la méthode du 'sepuku management'" visant à culpabiliser des collaborateurs pour les inciter à démissionner - le mot "sepuku" désigne le suicide rituel japonais familièrement connu sous le nom d'"hara kiri".

La magistrate, qui n'a pas hésité à parler de "banalisation du mal", a reproché aux prévenus de s'être inscrits dans "une logique financière" et a émis l'espoir que ce dossier de 100.000 pages ferait jurisprudence.

"Le but de ce procès n'est pas de porter un jugement de valeur moral sur vos personnes", a-t-elle dit à l'adresse des prévenus. "C'est de démontrer que l'infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d'entreprise, par l'organisation du travail, et qualifier ce que l'on appelle le harcèlement managérial." (Emmanuel Jarry, édité par Sophie Louet)