* La Tunisie reste traversée par des tensions sociales

* Macron annonce 500 mls d'euros d'aide supplémentaires

* Essebsi répond aux critiques de Human Rights Watch (Actualisé avec déclarations, signature d'accords)

par Marine Pennetier

TUNIS, 31 janvier (Reuters) - En visite à Tunis, Emmanuel Macron a annoncé mercredi un renforcement du soutien financier de la France à la Tunisie qui, sept ans après la "Révolution de Jasmin", reste tiraillée par des tensions sociales susceptibles de faire dérailler une transition démocratique considérée comme un modèle.

"C'est une étape fondamentale qui se joue ici", a estimé le chef de l'Etat français lors d'une conférence de presse, rendant hommage "au travail de transformation profonde" et à la constitution "exemplaire" dont s'est doté le pays en 2014 à l'issue d'élections libres.

"Je le dis très clairement : la réussite de la Tunisie défendant les valeurs qui sont les siennes, démocratiques, de liberté de conscience, d'égalité entre les hommes et les femmes, c'est aussi notre bataille", a-t-il poursuivi aux côtés de son homologue, Béji Caïd Essebsi.

"Ce n'est pas une aide que la France apporte à la Tunisie, c'est un travail que nous devons mener ensemble : si vous échouez, nous échouerons le même jour ou le jour d'après", a-t-il ajouté sous les ors du Palais de Carthage.

Huit déclarations d'intention ont été signées, portant notamment sur une initiative "Jeunesse, Entrepreneuriat et Numérique" (50 millions d'euros sur trois ans), la création d’une université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée et un prêt souverain de 100 millions d'euros en appui à la réforme de la gouvernance des entreprises publiques.

Quinze millions d'euros vont être, en outre, octroyés aux PME et PMI tunisiennes - en plus de 15 millions déjà accordés en décembre dernier. La dette tunisienne à l'égard de la France va être convertie à hauteur de 30 millions d'euros en projets de développements.

La France tiendra son engagement d'un soutien de 1,2 milliard d'euros sur cinq ans (2016-2020), a également assuré Emmanuel Macron, qui a annoncé une enveloppe supplémentaire de 500 millions d'euros pour la période 2020-2022.

RESSENTIMENT POPULAIRE

L'enjeu est de taille dans le pays dont la France est le premier partenaire économique et commercial. L'absence de véritable embellie économique - taux de chômage de 15% allant jusqu'à 30% chez les jeunes diplômés, inflation de 6% fin 2017 - couplée aux baisses de dépenses publiques demandées par les bailleurs internationaux, a nourri un fort ressentiment au sein de la population.

Des manifestations violentes ont éclaté en janvier pour protester contre les mesures d'austérité malgré un net frémissement de la croissance (2%) et du tourisme.

Pour tenter de désamorcer la crise, le gouvernement a annoncé le 13 janvier le déblocage de 170 millions de dinars (57 millions d'euros) pour aider aux familles les plus démunies et les personnes dans le besoin, sans parvenir à éteindre entièrement la colère.

Evoquant un "contexte délicat", le président tunisien a salué la solidité de la relation entre "deux pays amis qui se soutiennent lors des moments difficiles", pointant le contexte sécuritaire compliqué en Tunisie qui partage plus de 500 km de frontières avec une Libye toujours en proie au chaos.

Béji Caïd Essebsi a en revanche balayé les critiques émises par l'ONG Human Rights Watch (HRW) qui a dénoncé des brutalités policières lors de ces manifestations.

"La Tunisie est un pays démocratique", a-t-il dit. "Ces casseurs, on les poursuit parce que nous avons des acquis à défendre mais je vous garantis qu'il n'y a pas une seule arrestation sans l'avis du procureur de la République".

"Je ne vais pas dire que notre justice est la meilleure du monde, mais elle fonctionne", a-t-il ajouté. "Il n'y a pas de débordements sauvages, il y a un pays qui essaie de fonctionner, qui essaie de mettre en place une démocratie, ce n'est pas du tout facile dans la région à laquelle nous appartenons".

A ses côtés, Emmanuel Macron a appelé à la prudence, refusant d'endosser le rôle de "censeur" ou de "commentateur".

"Est-ce que ces arrestations se font dans un contexte d'un Etat qui n'est pas un Etat de droit ? Je ne suis pas une ONG mais de mon point de vue, non. Il y a une Constitution qui est exemplaire pour la région et bien au-delà, elle garantit la liberté d'expression et le droit de manifester est reconnu et elle organise la séparation de la justice", a ajouté le président français. (Edité par Elizabeth Pineau)

Valeurs citées dans l'article : Iliad, Orange