Alphavalue - En septembre, nous avions envisagé une possible fin de purgatoire pour le premier opérateur télécom français. Le titre a depuis gagné 40% (la richesse soudaine de Vodafone ayant ravivé les rumeurs de spéculation en Europe, les régulateurs semblant par ailleurs s’assouplir sur ce sujet) avant de corriger d’environ 15%. Un ajustement plus brutal que pour la plupart des autres acteurs européens en raison de tout le bruit autour de la guerre des prix des télécoms en France.

La crise de confiance actuelle dans tout ce qui touche à l’exposition aux pays émergents redonne cependant une lecture plus favorable. Orange est évidemment moins concerné que Telefonica, puisque le groupe tire plus de 75% de son chiffre d’affaires d’Europe (85% si l’on inclut EE UK qui est consolidé par équivalence).

Plusieurs paramètres devraient soutenir Orange, un titre qui accuse beaucoup de retard en termes de revalorisation.

- En France, nous pensons que les inquiétudes concernant l’inévitable baisse du chiffre d’affaires et des marges ont atteint leur nadir suite à la guerre des prix de l’automne dernier. L’ARPU d’Orange dans le mobile en France est désormais à moins de 25€ par mois en baisse de plus de 15% depuis qu’Iliad est apparu sur les écrans radars du mobile en France. Le succès de la 4G a forcé Iliad à intervenir tout de suite en réduisant ses prix et en offrant la 4G au même prix que la 3G. Une 4G que Free n’a pas vraiment : dans 1 an, sa couverture sera bien inférieure à celle de ses concurrents et surtout sur de « mauvaises » fréquences. Cette politique de prix très bas et de tactique de prédation à tout prix ont fait d’Iliad l’ennemi numéro un dans le secteur des télécoms français. Arnaud Montebourg, le ministre de la prétendue ré-industrialisation, poussait ce matin-même à définir un calendrier pour la fin du contrat d’itinérance entre Iliad/Free et Orange. La politique fait mauvais ménage avec les affaires mais surtout elle privilégie Orange. Notons que la dernière offre de location de smartphone faite par Free ne casse pas les prix tout simplement parce qu’Iliad ne fait pas mieux que les autres quand il s’agit de négocier avec les Samsung et Apple. Nous suivrons donc de près l’évolution de l’ARPU mobile d’Orange en France au cours des prochains trimestres mais nous continuons de penser qu’il devrait se stabiliser d’ici la fin de l’année.

- En Espagne, avec 5% de croissance annuelle, Orange gagne en effet des parts de marché tandis que Vodafone a annoncé une baisse de 7% de son chiffre d’affaires au cours des 9 premiers mois de 2013 et que Telefonica a enregistré une chute de 22% dans son activité mobile en Espagne. Le groupe a aujourd’hui une part de marché de 25% contre 40% pour Telefonica et 29% pour Vodafone, une augmentation de 4,7% par rapport à l’an dernier. Cependant, le groupe est également présent dans le fixe (1,6m de clients, 17,5% par rapport à l’an dernier !) de sorte qu’il peut espérer voir son offre « quadruple play » grossir. La probable acquisition du cablo-opérateur Ono par Vodafone devrait renforcer l’accord d’Orange avec Telefonica sur la fibre (et pourrait conduire Orange à faire une offre sur Jazztel).

- L’évolution des marges de la JV EE en Grande-Bretagne vaut également la peine que l’on si attarde. EE est leader dans le marché du mobile avec une part de marché de plus de 30% (contre 28% et 23% pour Telefonica et Vodafone). Le lancement de la 4G est un succès et EE devrait partager ses futures dépenses sur la 4G avec Three (11% de part de marché dans le mobile) tout en conservant plus de flexibilité pour différencier les services. Notons également que le plus important MVNO d’Europe (Virgin avec sa part de marché significative dans le Fixe à haut-débit et la TV) utilise… le réseau d’EE. Ce qui semble être plutôt une bonne nouvelle pour EE. Cette JV pourrait valoir plus que 10Mds€ dans le cas d’une IPO, désormais repoussée à une date non-définie.

Orange commence également à installer la fibre en Pologne où le groupe détient une part de marché de 40% dans le fixe. Cela pourrait, comme BT l’a fait en Grande-Bretagne ou Telecom Italia en Italie, lui permettre de détenir un actif clé dans l’optique de la révolution télévisuelle qui nous attend. En France, 15m de foyers regardent déjà la télévision via les réseaux des opérateurs télécoms (une proportion encore unique en Europe). La France parait donc prête à être envahie par les Google, Apple et autres Netflix… mais via les réseaux des télécoms !

Il est de plus en plus clair que les réseaux télécoms mobile et fixe ont après tout de la valeur après tant d’année alors qu’ils étaient perçus comme des rentes déclinantes. Et spécialement les réseaux fixes comme l’ont mis en lumière les prix de transactions des cablo-opérateurs rachetés par Liberty Global et Vodafone. Des prix qui reflètent les défis de la révolution de la télévision à venir. Orange est un véritable acteur européen, plus qu’un simple acteur français comme beaucoup semblent le penser et reste très décoté avec un EV/EBITDA d’à peine 4,5x et un PE de 8x contre respectivement 5,5x et 13x en moyenne pour la moyenne européenne.