(Actualisé avec précisions, situation à Marseille)

par Christian Lowe

PARIS, 13 juin (Reuters) - Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Paris pour dénoncer les violences policières et les comportements racistes à l'appel de la famille d'Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 dans des conditions controversées lors d'une opération de police que ses proches comparent au décès de l'Américain George Floyd.

Selon la préfecture de police, citée par BFM TV, 15.000 personnes se sont réunies place de la République, dans le centre de la capitale, scandant des slogans tels que "pas de justice, pas de paix."

Le rassemblement, globalement très pacifique, a été émaillé de quelques incidents. Un magasin d'Orange a été vandalisé en fin de journée et la police anti-émeute a chargé des groupes plus violents et procédé à des tirs de gaz lacrymogène pour empêcher certains manifestants de quitter la place pour se rendre jusqu'à l'Opéra Garnier, un parcours interdit par la préfecture.

Les personnes réunies ont écouté Assa Traoré lors d'une prise parole au cours de laquelle elle a rappelé les circonstances du décès de son frère.

"Il y a eu la mort de George Floyd, cette mort a fait écho directement avec la mort de mon petit frère en France. Et c'est surtout de dire: ce qui se passe aux Etats-Unis, il se passe exactement la même chose en France. Nos frères meurent", a déclaré Assa Traoré.

"Depuis le 2 juin, la France reconnaît qu'il y a du racisme, ils reconnaissent qu'il y a du racisme en France dans la police française, dans la gendarmerie française."

Le rassemblement a également été perturbé en début d'après-midi par le déploiement d'une banderole appelant à la "justice pour les victimes du racisme anti-blanc" par des militants se réclamant du mouvement Génération identitaire. Selon BFM TV, plusieurs personnes ont été interpellées

TENSIONS A MARSEILLE LORS DE LA DISPERSION

Adama Traoré est mort en juillet 2016 dans une caserne de gendarmerie de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise).

Ses proches soutiennent qu'il a péri asphyxié au cours de son immobilisation par des gendarmes et se disent victimes d'un "déni de justice".

Ils voient un parallèle avec la mort de George Floyd la semaine dernière lors de son interpellation par des policiers de Minneapolis, qui a provoqué à travers les Etats-Unis un vaste mouvement de colère contre les violences policières contre des Noirs, émaillé d'incidents violents à travers les Etats-Unis.

Des manifestations ont eu lieu dans d'autres villes françaises, samedi, notamment à Lyon et Marseille, où la police a utilisé aussi des gaz lacrymogène en fin de journée, ainsi que dans d'autres pays, notamment dans plusieurs villes d'Australie, à Taipei, à Zurich et à Londres.

Face aux accusations de violences et de racisme visant la police française, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a annoncé lundi l'abandon de la technique controversée d'interpellation "par étranglement" et évoqué une suspension systématique des fonctionnaires de police en cas de "soupçons avérés" d'acte ou de propos raciste.

Ces propos ont provoqué une fronde des policiers contre l'attitude du gouvernement à leur égard dans un climat qu'ils qualifient de "haine anti-flics".

Le juge des référés du Conseil d'État a suspendu par ailleurs samedi soir "l'interdiction générale et absolue de manifester sur la voie publique" décrétée dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire face à l'épidémie de coronavirus, estimant qu'elle n'était plus justifiée par la situation sanitaire actuelle lorsque les "mesures barrières" peuvent être respectées et que l'évènement réunit moins de 5.000 personnes. (Christian Lowe; version française Nicolas Delame et Gilles Guillaume)