Paris (awp/afp) - Le fonds activiste américain Elliott a posé ses griffes sur Pernod Ricard, deuxième groupe mondial de spiritueux, et lui demande notamment d'envisager une fusion avec un autre acteur du secteur.

Elliott Management Corporation est l'un des fonds activistes les plus puissants au monde, qui engage souvent des bras de fer avec la direction des groupes dans lesquels il entre au capital.

En annonçant mercredi, dans un communiqué, détenir plus de 2,5% des parts de Pernod Ricard, Elliott a dévoilé au grand jour son intérêt pour cette société familiale française, dont il a critiqué la "gouvernance d'entreprise inadaptée".

Mais le fonds vautour américain semble avoir d'autres projets pour cette entreprise dont les marques (Pernod, Ricard, le cognac Martell; les champagnes Mumm...) font partie du patrimoine français.

"Le conseil d'administration devrait rester ouvert aux opportunités rendues possibles dans un secteur bien positionné pour une future consolidation, incluant une fusion avec un autre acteur important du marché des spiritueux, dans le but de dégager plus de valeur pour les actionnaires", indique ainsi le fonds dans une lettre envoyée au conseil d'administration de Pernod Ricard, dont l'AFP a obtenu copie.

Elliott estime que le nombre de représentants indépendants au conseil d'administration est bien plus bas que dans les autres entreprises du CAC 40 et demande "un plan d'amélioration opérationnel plus ambitieux pour combler l'écart avec ses plus proches concurrents, incluant des mesures qui pourraient permettre près de 500 millions d'euros d'économies annuelles durables", selon ce document.

"Grand groupe familial"

Selon une source proche d'Elliott, le but du fonds n'est toutefois pas d'aboutir à une fusion de Pernod Ricard, envisager une fusion étant juste un sujet générique adressé habituellement dans ce genre de courrier.

Selon la même source, ce que veut réellement Elliott, c'est que Pernod Ricard change de cap pour avoir dans trois ans une marge opérationnelle aussi bonne, voire meilleure, que celle du géant des alcools et spiritueux britannique Diageo, premier acteur du marché.

Pernod Ricard a répondu à Elliott en défendant son bilan et en rappelant que "le conseil d'administration de Pernod Ricard était composé de 14 administrateurs hautement qualifiés et venant d'horizons divers", dans un communiqué.

L'Etat français a pour sa part mis en garde mercredi contre la pression d'actionnaires de court terme.

"Pour nous, Pernod Ricard est un grand groupe familial avec un actionnariat stable. L'Etat souhaiterait que les grandes entreprises françaises puissent bénéficier d'un actionnariat stable et de long terme pour accompagner leur développement et leur ancrage en France", a indiqué à l'AFP une source au ministère de l'Economie.

Selon un communiqué d'Elliott, l'entreprise française s'est placée "dernière parmi ses principaux (concurrents) comparables au cours de la dernière décennie".

Dire que l'entreprise est sous-performante par rapport à Diageo "n'est pas vrai", estime toutefois Anna Zyniewicz, analyste au bureau d'analyse financière AlphaValue, auprès de l'AFP.

Démarche "bizarre"

D'une part, "Diageo est une entreprise deux fois plus grande que Pernod Ricard, dont le portefeuille est un peu différent", d'autre part "une entreprise familiale, ce n'est pas exceptionnel dans l'industrie des spiritueux", selon l'analyste.

Pour Mme Zyniewicz, la démarche d'Elliott est "bizarre" alors que le secteur des spiritueux est "celui qui cartonne le plus" dans l'industrie agroalimentaire.

Le groupe familial français a rappelé avoir, au cours des trois dernières années, "mis en place un nouveau modèle stratégique" dont les actions "portent leurs fruits": le chiffre d'affaires affichait une croissance interne de 6%, le bénéfice d'exploitation de 6,3% sur le dernier exercice (clos fin août 2018) et le groupe prévoit une croissance de 5% à 7% du bénéfice d'exploitation l'exercice en cours 2018-2019, a-t-il rappelé.

"Nous sommes un groupe avec de fortes valeurs familiales (...) notre stratégie est la bonne pour allier la rentabilité à court terme avec une croissance responsable, durable et profitable, [conforme à] une feuille de route long terme et cohérente", a déclaré le PDG Alexandre Ricard, cité dans le communiqué.

Elliott, dont les actifs sous gestion s'élèvent à environ 35 milliards de dollars, a notamment ravi en mai à Vivendi le contrôle du conseil d'administration de l'opérateur italien Telecom Italia, alors même que le groupe français en est le premier actionnaire.

En novembre, Vivendi s'est dit "extrêmement préoccupé par la dégradation des résultats et par la chute du cours de Bourse", qui atteint près de 40% depuis la prise de contrôle du conseil d'administration par Eliott.

afp/rp