(Répétition sans changement d'une dépêche tranmise vendredi)

* Les actions replongent après un bon début d'année

* L'économie mondiale au coeur des inquiétudes

* Rien de réglé du côté du commerce et du Brexit

* La peur d'une récession refait surface

par Patrick Vignal

PARIS, 11 février (Reuters) - Le rebond des marchés d'actions mondiaux depuis le début de l'année paraît clairement menacé par l'accumulation des signes d'un ralentissement de l'économie mondiale et la persistance des incertitudes géopolitiques.

Après une année 2018 douloureuse pour toutes les classes d'actifs, 2019 avait débuté de manière prometteuse avec des investisseurs attirés par les points d'entrée offerts par les replis récents et rassurés par les signaux accommodants envoyés par les grandes banques centrales.

Les dernières séances ont cependant vu les indices boursiers nettement fléchir un peu partout après de nouveaux indicateurs décevants et en l'absence d'avancée majeure sur les dossiers chauds du moment, tensions commerciales USA-Chine et Brexit en tête, sans parler de quelques publications d'entreprises fort mal accueillies.

"Il nous paraît aléatoire de parier sur un rebond des actifs à risque, en particulier dans les segments exposés à des baisses de croissance, à des risques géopolitiques ou à des évolutions soudaines de la dynamique de l'offre et de la demande", commente Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute.

Après avoir enregistré en janvier leur meilleure performance depuis plus de huit ans, les actions mondiales montrent des signes de faiblesse après les annonces successives d'une contraction du secteur manufacturier chinois en janvier, d'une entrée en récession technique de l'Italie ou encore d'une baisse des commandes à l'industrie allemande en décembre, entre autres signaux inquiétants.

La révision à la baisse par la Commission européenne de ses prévisions de croissance et d'inflation apparaît logique dans ce contexte, de même que la prudence affichée par la Banque centrale européenne comme par la Réserve fédérale américaine, sans parler de la banque centrale chinoise, toujours prête à assouplir sa politique quand le besoin s'en fait sentir.

Dans ce contexte, les investisseurs décortiqueront attentivement une série d'indicateurs dans les jours à venir, avec notamment à l'agenda des estimations de la croissance au quatrième trimestre au Royaume-Uni, lundi, puis dans la zone euro, jeudi.

Du côté de Wall Street, la séance de vendredi promet d'être animée avec les chiffres mensuels des ventes au détail, de la production industrielle et des stocks des entreprises, sans oublier un indice manufacturier et une mesure de la confiance des consommateurs.

Le risque de "shutdown" pourrait aussi resurgir avec l'expiration le 15 février de la loi garantissant le financement de l'administration fédérale. Lors de son discours sur l'état de l'Union mardi, Donald Trump a réitéré sa volonté d'ériger un mur à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, un projet à l'origine en décembre du plus long blocage jamais connu de l'administration fédérale.

DEUX ÉCHÉANCES CRUCIALES SE RAPPROCHENT

La nervosité des marchés pourrait encore monter d'un cran alors que se profilent deux échéances cruciales.

Sur le front des tensions commerciales, Donald Trump n'a rien fait pour lever les doutes des marchés en déclarant jeudi qu'il ne prévoyait pas de rencontrer son homologue chinois Xi Jinping d'ici au 1er mars, la date limite fixée par les Etats-Unis et la Chine pour conclure un accord.

Du côté du Brexit, l'Union européenne a accepté jeudi de continuer à travailler avec Theresa May pour voir s'il y aurait un moyen d'éviter un divorce sans accord entre Londres et Bruxelles.

La poignée de main peu chaleureuse qu'avait eue juste avant Theresa May devant les caméras avec Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a témoigné de la tension qui règne à moins de 50 jours de la date butoir (le 29 mars à 23h00 GMT).

La crainte d'un Brexit sans accord a conduit jeudi la Banque d'Angleterre à abaisser significativement ses prévisions de croissance de l'économie britannique.

"Le brouillard entourant le Brexit entraîne de la volatilité à court terme dans les indicateurs économiques et, plus fondamentalement, crée une série de tensions dans l'économie et pour les entreprises", a déclaré le gouverneur de la BoE, Mark Carney.

"Même si de nombreuses entreprises accélèrent leurs dispositifs d'urgence, l'économie dans son ensemble n'est toujours pas préparée à une sortie sans accord et sans transition", a-t-il ajouté.

Mark Carney a souligné que les fondamentaux de l'économie demeuraient robustes. Il aurait pu dire la même chose de la croissance des bénéfices des entreprises, même si elle aussi a tendance à ralentir et que les publications trimestrielles récentes ont été pour le moins mitigées.

LA PEUR D'UNE RÉCESSION REFAIT SURFACE

Chaque déception est lourdement sanctionnée en Bourse, comme Publicis en a fait l'amère expérience jeudi avec un repli de près de 15%, le recul des revenus du numéro trois mondial de la publicité au quatrième trimestre ayant fait l'effet d'une douche froide pour des investisseurs déjà fébriles.

Des poids lourds commme Thyssenkrupp, Nestlé , Credit Suisse ou encore Allianz dévoileront leurs comptes dans les prochains jours et ne peuvent qu'espérer échapper à une punition similaire.

Dans ce climat orageux, le mot de récession, très à la mode dans les notes d'analystes en fin d'année dernière, reprend du service.

"La récession est la crainte numéro un, à notre avis", estime ainsi David Lafferty, chargé de la stratégie de marché chez Natixis Investment Managers.

"Si le ralentissement devait évoluer vers une récession, les marchés ne seraient pas préparés à un tel choc parce que ni le sentiment des investisseurs, ni les prix des actifs ne reflètent correctement ce risque".

Dans les sociétés de gestion, les stratèges se grattent la tête pour essayer de profiter encore des opportunités que présentent les actifs risqués tout en commençant à remanier leurs portefeuilles et en se laissant tenter par les actifs refuges, comme en atteste la nette remontée de l'or ces derniers jours.

"Nous adoptons ainsi une approche nuancée, pour éviter d'être exagérément optimistes avec une attitude trop risquée, mais également pour ne rien manquer de ce qui pourrait être une des dernières phases de ce marché haussier", explique James Bateman, directeur de la gestion multi-actifs chez Fidelity International.

"Dans cette optique, nous nous employons à saisir les opportunités créées par la volatilité, tout en restant prêts à réduire le niveau de risque lorsque le cycle arrivera finalement à son terme."

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GESTION-Les flux indiquent un timide retour sur les actions-BAML

(édité par Blandine Hénault)

Valeurs citées dans l'article : Allianz, Credit Suisse Group, Nestlé, Publicis Groupe, thyssenKrupp