PARIS (Agefi-Dow Jones)--Moins de six mois après avoir pris la présidence de Renault, Jean-Dominique Senard était attendu au tournant mercredi face aux actionnaires du groupe. Fragilisé par l'échec des discussions avec Fiat Chrysler Automobiles (FCA) sur un projet de fusion entre égaux et par la détérioration des relations avec Nissan, l'ex-président de la gérance de Michelin s'est employé à défendre ses décisions avec le flegme qui a fait sa réputation.

Devant plus 900 actionnaires du groupe -- un chiffre en hausse de 50% par rapport à la précédente assemblée générale -- Jean Dominique Senard est revenu sur les récents remous avec Nissan.

Les tensions entre les deux constructeurs automobiles se sont cristallisées lundi lorsque Nissan a confirmé que son allié français et premier actionnaire lui avait fait part dans une lettre de son intention de ne pas approuver la nouvelle gouvernance de Nissan, lors de son assemblée générale du 25 juin. Le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, avait jugé "regrettable" la position prise par Renault.

Jean-Dominique Senard a justifié l'envoi de cette lettre. Le président de Renault a indiqué que Nissan prévoyait de ne faire entrer qu'un seul des deux représentants du groupe au losange dans l'un des trois comités sur lesquels reposent la future gouvernance de l'industriel japonais.

"Le moins que l'on puisse dire et souhaiter, c'est que les deux représentants [de Renault, NDLR] siègent aussi chacun dans un comité, je ne demande pas plus que cela", a déclaré Jean-Dominique Senard. Si cette condition était remplie par Nissan, Renault donnerait son vote à la nouvelle gouvernance du constructeur japonais, a assuré le président du groupe français.

"Un guerrier plutôt qu'un diplomate"

Jean-Dominique Senard - dont les actionnaires ont approuvé la nomination à 91% - a minimisé les tensions issues de cet épisode, affirmant "qu'il n'y avait pas de quoi en faire une nouvelle histoire". Visiblement agacé par cette affaire, le président de Renault a regretté que des informations de presse sur ce sujet l'aient fait passer "pour un guerrier plutôt que pour un diplomate".

Au-delà de la relation avec Nissan, Jean-Dominique Senard a appelé à renforcer l'Alliance, qui implique également Mitsubishi. "Il n'y aura pas de réussite du groupe Renault sans réussite de l'Alliance", a-t-il insisté en début d'assemblée générale. Reconnaissant qu'un "climat tendu" avait pu être perçu au sein de l'Alliance, le président de Renault a affirmé que "rien [n'était] irréparable" et qu'il fallait ainsi "restaurer" une confiance "entamée". "La priorité est d'aller vers une Alliance, vivante, agile et renforcée", a-t-il expliqué.

Des regrets pour le "remarquable" projet avec FCA

Le pilote de Renault n'a pu échapper aux questions sur la fusion entre égaux avec Fiat Chrysler Automobiles, un projet pour le moment à l'abandon, le groupe italo-américain ayant retiré sa proposition la semaine dernière. Un actionnaire a notamment fait valoir que les mariages entre égaux ne fonctionnaient que rarement et fait part de sa crainte de voir Renault finir "comme Technip , Lafarge voire Essilor".

Jean-Dominique Senard a expliqué qu'une fusion entre Renault et FCA aurait servi de "contre-exemple" aux échecs des fusions entre égaux, mettant en avant l'absence de différences culturelles fortes entre les deux groupes. Le président de Renault a vanté les mérites qu'auraient eu cette opération, notamment "les synergies industrielles de première ordre" tout en se disant "désolé" que Renault n'ait pu voter l'entrée de négociations exclusives avec Fiat Chrysler. "Que sera l'avenir [d'une potentielle fusion entre les deux constructeurs] ? je ne sais pas", a admis le président de Renault.

Le projet de fusion avec FCA "reste dans ma tête un sujet remarquable et d'exception", a ajouté Jean-Dominique Senard.

Senard n'a pas l'intention de démissionner

Alors que l'échec des discussions avec Fiat Chrysler avait fragilisé sa position, une source proche du dossier a indiqué mercredi à l'agence Agefi-Dow Jones que Jean-Dominique Senard "n'avait pas l'intention de démissionner".

Après le retrait de la proposition de fusion de Fiat Chrysler, la semaine dernière, Jean-Dominique Senard a envisagé d'abandonner ses fonctions. Mais le responsable s'est ravisé après avoir reçu des messages de soutien de la part de membres du conseil d'administration et du gouvernement, a rapporté le Wall Street Journal.

-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH

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