(Actualisation: Mitsubishi propose à son tour de démettre Carlos Ghosn de ses fonctions de président du conseil d'administration, communiqué du parquet de Tokyo sur les accusations, cours de Bourse de Renault à la clôture).

PARIS/TOKYO (Agefi-Dow Jones)--Un coup de tonnerre s'est abattu lundi sur l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, dont le PDG, Carlos Ghosn, a été arrêté au Japon en raison de soupçons de malversations. Ces accusations, qui devraient dans un premier temps lui coûter son poste de président de Nissan et de Mitsubishi, inquiètent le marché au sujet de la pérennité du partenariat entre les trois constructeurs automobiles.

Le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, a confirmé lors d'une conférence de presse lundi l'arrestation par les autorités japonaises de Carlos Ghosn, PDG de Renault et président des constructeurs automobiles japonais Nissan et Mitsubishi.

Selon le parquet de Tokyo, au cours des cinq années fiscales achevées en mars 2015, Carlos Ghosn a perçu environ 10 milliards de yen (78 millions d'euros) mais a fait déclarer par Nissan la moitié de cette rémunération dans des documents réglementaires adressés à la Bourse de Tokyo. Le parquet a indiqué qu'il soupçonnait le responsable d'avoir violé une loi japonaise interdisant la falsification de documents réglementaires.

Hiroto Saikawa a ajouté qu'une réunion du conseil d'administration de Nissan aurait lieu jeudi, au cours de laquelle le dirigeant proposera aux administrateurs de démettre Carlos Ghosn de ses fonctions. Mardi matin à Tokyo, le groupe Mitsubishi a à son tour annoncé qu'il comptait évincer Carlos Ghosn de son poste de président du conseil d'administration.

Renault a de son côté indiqué que son conseil d'administration se réunirait "au plus vite" et que ses administrateurs attendaient des informations précises de la part de Carlos Ghosn.

Les cartes de l'alliance rebattues

A la Bourse de Paris, l'action Renault a chuté de 8,4% à 59,06 euros lundi, les investisseurs s'inquiétant des possibles répercussions de cette affaire sur l'alliance. Pour Michael Hewson de CMC Markets, l'arrestation de Carlos Ghosn rebat les cartes. Elle fragilise la perspective d'une intégration plus poussée entre les trois constructeurs, et remet en cause l'idée, évoquée par le dirigeant plus tôt cette année, d'une fusion. "Toute la question est de savoir si l'alliance va perdurer ou au contraire voler en éclat", abonde un analyste.

Hiroto Saikawa a de son côté assuré que le fonctionnement de l'alliance ne serait pas affecté par le fait que le dirigeant soit démis de ses fonctions de président et d'administrateur du constructeur automobile japonais. Le directeur général de Nissan a également indiqué n'avoir informé que "récemment" les autres membres de l'alliance, à qui il a fourni "un maximum de détails" sur la situation.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a pour sa part déclaré que "l'Etat, en tant qu'actionnaire [de Renault, ndlr], sera extrêmement vigilant à la stabilité de l'alliance et au groupe". L'Etat français détient 15,01% du capital de Renault.

"Vive colère" et "profonde déception" du DG de Nissan

Dans un communiqué publié lundi, Nissan a indiqué qu'une enquête interne avait révélé plusieurs "fautes graves" commises par Carlos Ghosn. Les conclusions de cette enquête, qui a duré plusieurs mois, ont révélé entre autres des malversations de la part de Carlos Ghosn et de l'administrateur de Nissan Greg Kelly, a expliqué l'industriel japonais. Selon cette enquête, Carlos Ghosn n'a pas déclaré la totalité de sa rémunération aux autorités boursières et a utilisé à des fins personnelles des actifs de la société.

Le directeur général a reconnu qu'une trop grande concentration des pouvoirs entre les mains d'une même personne avait engendré "des distorsions" au sein de la société. "Je ressens une vive colère et une profonde déception", a déclaré Hiroto Saikawa pendant sa conférence de presse.

Nissan a précisé avoir fourni des informations au Parquet et coopérer pleinement avec l'enquête.

Cette affaire risque de faire perdre à l'alliance son architecte majeur. Renouvelé en début d'année dans ses fonctions de président et directeur général de Renault, Carlos Ghosn devait dans le cadre de ce nouveau mandat se concentrer sur l'élaboration d'une structure qui permette à l'alliance de survivre à son départ, prévu pour 2022. Celui-ci pourrait survenir bien plus tôt.

-Julien Marion, Agefi-Dow Jones, et Sean McLain, The Wall Street Journal;

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(Dimitri Delmond a contribué à cet article)

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