Pascal Chevalier, quelle stratégie allez-vous déployer chez Mondadori France ?
"Nous allons faire la même chose que ce que nous avons fait jusqu’à maintenant, à savoir intégrer chez nous les marques, leurs équipes et leurs expertises. Nous allons faire travailler toutes les équipes ensemble pour continuer de bien faire ce qu’elles font déjà, c’est-à-dire des magazines de qualité. Mondadori va bien, ce n’est pas une société en retournement, elle a juste besoin d’une vision entrepreneuriale qui va la redynamiser. Nous allons lui apporter notre expertise digitale, très complémentaire. Mondadori est six fois plus gros que nous dans le papier et nous sommes dix fois plus gros dans le digital. Le papier est en décroissance, à nous de la limiter, alors que le digital est en plein essor, et nous avons les process et les outils en interne pour développer l’audience et la valoriser. L’objectif à 3-5 ans du nouvel ensemble est d’atteindre, comme nous l’avons fait pour nos marques historiques, une audience digitale supérieure à l’audience papier, et, partant, des revenus équilibrés entre le papier et le digital".
 

Copie d'écran du site Internet Mondadori France

Comment êtes-vous parvenu à mettre la main sur un groupe significativement plus gros que vous ?
"Reworld Media devrait réaliser, en 2018, 11 M€ d’Ebitda, contre 7,5 M€ en 2017. Mondadori France a réalisé en 2018, sur 9 mois, un EBITDA à 15,6 M€ en baisse de -7%. Notre offre valorise 100% de la cible 70 M€, payés cash pour 60 M€, dont 10 M€ via un crédit vendeur, et en titres pour 10 M€, via une augmentation de capital auprès du vendeur à un cours compris entre 2,20 € et 2,90 € par action. Reworld prévoit de financer cette acquisition via une émission de dette non convertible pour un montant total de 63,3 M€ et une augmentation de capital d’au moins 3 M€ auprès d’IDINVEST et de son management, au même cours que l’augmentation de capital évoquée précédemment. Si, financièrement, c’est Reworld Media qui rachète Mondadori France, d’un point de vue opérationnel c’est plutôt l’inverse".

L’intégration des rédactions de Mondadori suscite une vive polémique. Comment voyez-vous les choses ?
"Nous allons enfin pouvoir expliquer directement notre stratégie. Les marques reprises sont très belles, elles ont toutes un beau potentiel. Tous les magazines ont vocation à être conservés. Les rédactions de Mondadori sont excellentes, le contenu est de qualité. Seulement, il doit être mieux valorisé, adapté au digital. Les formats des articles doivent être adaptés au web et les formats vidéo multipliés. Il n’y a pas de sujet de réorganisation, nous avons besoin de tout l’effectif repris. Si certains journalistes souhaitent profiter de la clause de cession, on ne pourra pas s’y opposer, mais encore une fois, le papier fonctionne et continuera de fonctionner. Nous devons juste apporter ce qui manque et que nous avons déjà chez Reworld. Il n’y a pas d’investissements lourds à prévoir, ils ont déjà été réalisés par Reworld Media. A nous maintenant de donner à Mondadori le cadre et le temps qui lui manquait, d’insuffler notre culture créative et entrepreneuriale".

Les marques Reworld avant la transaction (Source présentation société octobre 2018)

Votre stratégie d’acquisition va-t-elle s’arrêter là ?
"Le monde des médias n’est pas en crise, il regorge d’opportunités pour des entrepreneurs qui ont de l’énergie et des capacités d’investissement. Pour nous, cette acquisition n’est qu’une étape dans la constitution d’un groupe de médias global et pluridisciplinaire. Nous nous retrouvons numéro un français sur la presse magazine, et c’est très bien, mais nous allons maintenant regarder d’autres canaux de distribution. Nous devons suivre nos lecteurs. La télévision connait des bouleversements avec la diffusion croissante via les canaux internet. Nous sommes producteurs, rien ne nous empêche, par exemple, demain, d’être diffuseurs de flux vidéo longs via internet. Nous serons également attentifs aux opportunités de développement à l’international, au cas par cas, comme nous l’avons fait avec Marie-France". 

Propos recueillis par Raphaël Girault (l'auteur est actionnaire à titre personnel).