Zurich (awp) - Une page se tourne chez Rieter avec la fin de la production de machines pour filatures à Winterthour. Le fabricant de machines textiles, né au tout début du 19e siècle en pleine révolution industrielle, va supprimer 87 postes et délocaliser l'activité en Asie. Le groupe a vu ses ventes chuter de près de 30% l'an dernier.

Le directeur général Norbert Klapper a confirmé mercredi, lors d'une conférence téléphonique, qu'il n'y aura plus de production au siège de l'entreprise suite à la suppression des 87 postes. Selon lui, dans l'industrie de la filature, l'origine suisse des produits importe peu. "Ce n'est plus une marque distinctive, même pour les machines haut de gamme", a expliqué M. Klapper. L'activité des trois lignes de production sera transférée en Chine et en Inde.

A Winterthour, l'entreprise comptera encore entre 550 et 580 postes. La direction, les ventes à l'international et le département développement resteront au siège. En Suisse, Rieter continuera à produire sur les sites de Rapperswil, Pfäffikon et Horgen.

Le groupe maintient son projet de Campus à Winterthour, dont le permis de construire a été déposé en fin d'année dernière. Les travaux devraient démarrer en 2020. Il veut y investir 80 millions de francs suisses.

Par ailleurs, 90 postes seront biffés sur des sites en Allemagne, République tchèque et aux Pays-Bas. Les consultations avec les employés débutent ce mercredi.

L'annonce des suppressions de postes "montre une fois de plus que la Suisse est menacée par une véritable désindustrialisation", déplore le syndicat Unia dans un communiqué. "Le savoir-faire et la place industrielle doivent être protégés." Il appelle à une consultation des travailleurs au niveau européen.

Syna dénonce lui une annonce prématurée de la part de Rieter. "L'abandon des activités d'assemblage ne signifie rien d'autre que de tourner le dos à la Suisse comme site de production".

Le syndicat Employés Suisse appelle de son côté la direction à examiner "toutes les alternatives aux suppressions d'emplois". Une attention particulière doit être donnée aux employés de plus de 55 ans, davantage susceptibles de souffrir de chômage de longue durée.

Rieter compte réduire les coûts de fonctionnement d'environ 15 millions de francs suisses à partir de 2021. Pour les mettre en oeuvre, il table sur des dépenses d'un montant à peu près équivalent en 2020.

Ventes en dégringolade

Le fabricant de machines textiles a vu ses ventes chuter l'année dernière de 29% à 760,0 millions de francs suisses. L'exercice a été "caractérisé par le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine, des surcapacités dans les filatures et des incertitudes politiques et économiques dans les régions importantes pour Rieter".

Les ventes de machines (Machines & Systems) ont dégringolé de 42% à 389,0 millions. La réticence des clients à investir a aussi pesé sur le segment Composants (Components), en recul de 12% à 230,2 millions. Toutes les régions ont été touchées et particulièrement les pays asiatiques (hors Chine), l'Inde et la Turquie.

Les entrées de commandes ont par contre progressé de 7% à 926,1 millions de francs suisses, grâce notamment à une grosse commande en Egypte (165 millions). Celles des machines ont gonflé de 20% à 562,8 millions de francs suisses, quand celles des composants ont baissé de 15%.

"Les entrées de commandes ont progressé du troisième au quatrième trimestre, même en excluant la grosse commande en Egypte", a assuré le directeur général. Cette amélioration s'est vue en Chine, en Turquie et en Ouzbékistan. Mais le patron n'a pas dit si la tendance se poursuivait en 2020.

Le chiffre d'affaires s'est inscrit bien en deçà du consensus des analystes consultés par AWP, qui tablaient sur 806 millions. Mais il reste dans la fourchette des estimations. Les entrées de commandes font mieux qu'attendu (905 millions).

Pour 2019, l'entreprise anticipe une marge Ebit autour de 11% (4,0% en 2018) et un bénéfice net correspondant à environ 7% des ventes (3,0%). Au premier semestre 2020, Rieter prévoit des ventes "nettement inférieures" à l'an passé.

Des vents contraires

La propagation du coronavirus en Chine n'a pas encore d'impact majeur sur l'activité, a assuré M. Klapper. Toutefois, les vacances du Nouvel an ont été prolongées dans les usines de production en Chine jusqu'au 10 février. La situation sera à nouveau analysée au début du mois prochain.

La Banque cantonale de Zurich se réjouit que les prises de commandes du fabricant de machines textiles aient été meilleures que prévues.

UBS souligne de son côté que "le premier semestre 2020 restera dans le rouge".

Pascal Furger de Vontobel perçoit plusieurs vents contraires, comme le prix du coton, la guerre commerciale qui paralyse la demande en Chine et en Asie, les incertitudes politiques en Inde et en Turquie et les contraintes budgétaires. La visibilité reste réduite, selon lui.

Le rapport financier détaillé sera publié le 10 mars.

A la clôture de la Bourse suisse, l'action Rieter a fini en nette hausse de 3,6% à 132,50 francs suisses. L'indice élargi SPI a quant à lui terminé en progression de 0,77%.

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