L'indice RTS de la Bourse moscovite chute de 11,3% vers 13h20 GMT, sa plus forte baisse sur une séance depuis décembre 2014, pour revenir à son plus bas niveau depuis septembre dernier. Au même moment, le rouble cède 3,18% face au dollar à 59,9875, au plus bas depuis novembre.

Le département américain du Trésor a annoncé vendredi des sanctions contre 24 personnalités russes et 14 entreprises et entités juridiques.

Sur la liste établie par Washington figurent entre autres Oleg Deripaska, surnommé "le roi de l'aluminium" et proche de Vladimir Poutine, Alexeï Miller, directeur général de Gazprom, ainsi qu'EN+ Group, la holding de Deripaska. Sont aussi concernés Renova, propriété de Viktor Vekselberg, et le producteur d'aluminium Rusal.

Les entreprises sanctionnées perdent tout accès direct au marché américain.

L'action Rusal cotée à Hong Kong a fini la journée en baisse de 50,43%. Le groupe, qui réalise 14% de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis, a déclaré vendredi qu'il était "très probable que l'impact (des sanctions-ndlr) sur les activités et les perspectives soit fortement négatif".

Rusal pourrait entre autres être dans l'incapacité d'honorer des échéances sur sa dette. Sur le marché obligataire, les titres émis par le groupe arrivant à échéance en 2022 ont perdu plus de 14% de leur valeur faciale.

Conséquence indirecte des sanctions visant Rusal, le cours de l'aluminium gagne 4,06%, au plus haut depuis plus d'un mois.

Quant au groupe norvégien Norsk Hydro, grand concurrent du russe, il prend plus de 6% en Bourse d'Oslo, la plus forte hausse de l'indice européen Stoxx 600, alors pratiquement inchangé. La plus forte baisse (-16,4%) revient au groupe minier russe Polymetal, coté à Londres mais implanté principalement en Russie, au Kazakhstan et en Arménie.

DES CONSÉQUENCES AUSSI POUR DES ENTREPRISES OCCIDENTALES

Les obligations émises par Polyus, premier producteur d'or de Russie, sont elles aussi en forte baisse. Le groupe n'est pas visé directement par les sanctions américains mais c'est le cas de Souleïman Kerimov, membre du Conseil de la Fédération de Russie, dont la famille contrôle son capital.

La dette souveraine russe n'est pas non plus épargnée: les CDS (credit default swaps) à cinq ans sur les titres émis par Moscou, des instruments de couverture contre un risque de défaut, ont pris jusqu'à 17 points de base, leur plus forte hausse depuis septembre 2016, pour atteindre, à 138 points, leur plus haut niveau depuis la mi-novembre, selon IHS Markit.

L'action Gazprom abandonne quant à elle 5,67% en Bourse de Moscou et En+ Group s'effondre de 34,2% en Bourse de Londres.

Le mouvement de défiance vis-à-vis des actifs russes touchait aussi des sociétés qui ne sont pas visées par les dernières sanctions américaines: l'action du groupe minier Evraz cotée à Londres perd ainsi 18%, contribuant à peser sur l'indice Footsie 100.

"La liste américaine n'est peut-être pas définitive et on a l'impression qu'il y aura d'autres sanctions, donc les investisseurs ne savent pas quelles actions il faut détenir, s'il y en a encore", explique John Meyer, analyste spécialiste du secteur minier chez SP Angel.

"Les investisseurs américains ont jusqu'au 7 mai pour vendre leurs participations dans Rusal et En+", précise-t-il.

Sur le marché suisse, le groupe de construction mécanique Sulzer, contrôlé par Renova, recule de 14,49%. Réuni en urgence dimanche, son conseil d'administration a décidé de racheter cinq millions d'actions, soit 15% du capital, à Renova pour échapper aux sanctions en ramenant la participation de la holding russe sous 50%.

Schmolz & Bickenbach et Oerlikon, dont Renova est aussi actionnaire, perdent respectivement 6,18% et 10,26%.

Quant à la banque autrichienne Raiffeisen, très présente en Russie, elle chute de 9,25%.

(Polina Ivanova, Helen Reid et Claire Milhench; Marc Angrand pour le service français, édité par Blandine Hénault)