"Quel regard portez-vous sur l’évolution du marché actions depuis le début de l’année ?
Il est intéressant de remarquer, en premier lieu, la solidité du marché actions américaines. Même si nous appréhendions un tel phénomène, nous n’avions pas anticipé son ampleur. La semaine dernière, le recul de l’indice ISM manufacturier dans une zone de contraction, ou encore la faiblesse des créations d’emplois dans le secteur privé d’après les dernières statistiques d’ADP n’avaient pas préoccupé outre mesure les investisseurs. Alors que le consensus tablait sur 165 000 nouveaux emplois, l’estimation donnée n’a été que de 135 000. L’inquiétude a d’autant plus été écartée en fin de semaine par le dernier rapport mensuel sur l’emploi publié par le département du Travail des Etats-Unis.

Selon vous, face à la résistance des principaux indices américains- S&P 500, Dow Jones, Nasdaq- une certaine prudence est de mise ?
Ce d’autant plus que nous croyons que nous n'avons pas vu tous les effets de la hausse de la fiscalité depuis janvier et des coupes de dépenses depuis mars. Nous devrions encore avoir aux deuxième et troisième trimestres des signes d'affaiblissement pour absorber ces effets.
Un redémarrage devrait cependant ensuite avoir lieu sous l'impulsion de la reprise du marché de l'immobilier, de la dynamique du marché de l'emploi, du réendettement des ménages.

Qu’envisagez-vous de la part de la Réserve fédérale américaine ?

La Reserve fédérale américaine s'efforce de communiquer son intention sur le marché depuis quelques mois déjà. Celle-ci a, en perspectives, deux objectifs liés pour le premier à une inflation de 2% et pour le second à un taux de chômage de 6,5%. La Fed n'hésitera pas à conserver une politique monétaire ultra accommodante aussi longtemps que nécessaire. Dans le cas où elle projetterait une sortie prochaine, elle continuera à préparer le terrain sur le marché pour éviter un dérapage.

Nous sommes d'avis que la Fed pilotera sa politique monétaire eu égard à l'évolution de la macroéconomie américaine. Autrement dit, elle diminuera et augmentera ses achats de titres de crédit sur le marché en fonction des nouvelles données statistiques publiées.
Le programme de rachat deviendra de plus en plus un outil d'ajustement conventionnel comme les taux d'intérêt.

Le changement d'orientation de la politique de la Fed pourrait-il avoir une petite répercussion négative sur les actions ?
Il en aura vraisemblablement une. Cependant, et dans la mesure où ce changement serait principalement motivé par une consolidation de la reprise aux Etats-Unis, la correction devrait être limitée dans son ampleur et dans sa durée. La robustesse des entreprises américaines- leur abondante trésorerie, leur solide bilan-prendra le dessus.

Quelle vision avez-vous à propos du fort rebond des actions japonaises ?

Le rallye des actions japonaises est impressionnant depuis le quatrième trimestre de l’année 2012. Depuis janvier, malgré les contre performances de ces derniers jours, le rebond affiché est encore de près de 30% en monnaie locale. Le marché semble tester la force de la tendance haussière.
Les autorités nationales budgétaires et monétaires paraissent déterminées à tout mettre en œuvre pour accroitre le niveau d’inflation et le taux de croissance.
Il est difficile de prédire avec exactitude le résultat de la stratégie menée. Ce que nous pensons néanmoins, c’est qu’à court terme, elle devrait conduire les profits des entreprises japonaises à s’élever davantage de manière substantielle.
Nous avons observé un relèvement du taux d'intérêt à dix ans sur le marché. Nous croyons que celui-ci ne s'explique que par une augmentation des anticipations inflationnistes dans la mesure où nous n'avons pas d'appréciation des prix des matières premières ni de réévaluation des salaires. Ce relèvement est davantage une validation de l'amélioration de la toile de fond macroéconomique japonaise.

Croyez-vous pour autant en l’efficacité de la stratégie conduite au Japon ?
La pari est certes audacieux et s’accompagne d’une forte volatilité. La hausse du taux à dix ans à 1% a conduit à une correction sur le marché des actions de 7%. Ceci dit, la BoJ est rapidement intervenue pour inverser la tendance.
La question qui se pose alors est celle de savoir où se situe la limite de l’efficacité de la politique monétaire de la Banque centrale ? Nous pensons que l’évolution de la toile de fond macroéconomique sera une donnée clé. Et pour le moment, nous sommes sereins à ce sujet. Le PIB a progressé de 4,1% à l’issue du premier trimestre de l’année. La confiance des consommateurs japonais a atteint un plus haut niveau depuis 2007. Les entreprises japonaises affichent une volonté de réinvestir.

Vous pensez qu’il y a lieu de revenir aujourd’hui sur les actions chinoises ?
Nous avons la conjonction de facteurs favorables sur le marché chinois, en particulier un changement d’orientation de la politique au niveau interne et de faibles valorisations.
La nouvelle direction chinoise s’efforce d’œuvrer pour mieux diffuser la croissance au niveau de la population.
Depuis le début de l’année, les actions chinoises n’ont quasiment pas bougé consécutivement à la déception qui a suivi les mesures prises par les nouveaux dirigeants. Pourtant, les résultats des entreprises chinoises sont supérieurs aux attentes du fait d’une demande domestique plus importante et d’une baisse des prix des matières premières.
Si des inquiétudes demeurent, en particulier concernant le marché de l’immobilier et le marché de refinancement parallèle ou « shadow banking system », nous pensons qu’il est opportun de revenir sur les actions chinoises.

Le marché des actions européennes constitue, à votre sens, une bonne variable d’ajustement…
Le gain délivré est de 5.6% depuis début janvier. Nous sommes d’avis que le potentiel d’appréciation des cours est encore significatif. Un upside de 7 à 8% d’ici la fin de l’année est possible.
Depuis la grande intervention de la Banque centrale européenne au milieu de l’année dernière, il ne s’est pas passé grand-chose en termes d’avancées dans la gouvernance de la zone euro. Le prochain sommet européen pourrait donner lieu à des surprises positives à ce sujet même si beaucoup d’observateurs n’escomptent pas de réels progrès.
Les assainissements budgétaires ont porté leurs fruits dans les pays périphériques à la zone euro comme l’Italie, le Portugal, la Grèce. Il y a, clairement, à présent une volonté de la part des autorités européennes, en particulier de la part de la Commission européenne, de laisser un peu d’air aux différents gouvernements. Il a été accordé un peu plus de temps pour remplir les objectifs de réduction du déficit primaire. Cela constitue indéniablement un plus pour la stabilisation de la conjoncture économique au sein de la zone euro.

Il n’est pas impossible selon vous que nous ayons de bonnes nouvelles avant les élections qui doivent se dérouler en Allemagne cet automne ?
Une bonne surprise pourrait effectivement émaner du prochain sommet européen sur le plan de la gouvernance, de l’union bancaire, de la réglementation.

Quels sont les principaux risques que vous identifiez pour le marché des actions au cours des prochains mois ?
Les résultats des entreprises du premier trimestre ont été décevants des deux côtés de l’Atlantique. De nombreux chiffres ont été inférieurs aux attentes alors que les analystes avaient révisé à la baisse leurs pronostics.
En outre, en moyenne trois dirigeants sur quatre ne sont pas montrés optimistes pour le trimestre suivant. Si les publications s'avèrent beaucoup moins bonnes que prévu cela pourrait entrainer quelques tensions sur le compartiment des actions au cours des prochains mois.

Le marché est dopé par la liquidité injectée par les grandes banques centrales. Les actions ont beaucoup monté alors que les bénéfices n'ont pas vraiment suivi. En a résulté une significative expansion des multiples. Si nous ne voulons pas assister à un dégonflement du prix des actions, des bénéfices en progression doivent être au rendez vous pour valider leur ascension.

Vous n’êtes pas très inquiets à ce sujet ?

En excluant les valeurs bancaires notre estimation est de 5% à 6%. Ce mouvement est surtout la conséquence d'une année 2012 très dépréciée.

Quid de votre allocation d’actifs à l’heure actuelle ?
Nous sommes surpondérés sur les actions américaines. Nous sommes globalement neutres sur l’Europe. Dans cette région nous sommes toujours sous-pondérés dans les actions des pays périphériques. Nous pourrions retourner progressivement vers ces pays de l’union monétaire en fonction de leurs résultats.
Nous avions coupé partiellement notre exposition aux actions japonaises et avons clairement la volonté de revenir sur ce segment.

Qu’en est-il sur le plan sectoriel ?
Nous avons conservé notre intérêt pour les secteurs de la technologie, l’industrie, les financières. Nous nous sommes à la marge redirigés vers une sélection de valeurs défensives.
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